"Antigang"? Vous n'avez pas entendu parler? Normal. Avec une promo discrète (si ce n’est la campagne d’affichage ridicule), un soutien des médias inexistant et une sortie en plein été, le film est promis à un triste sort au Box-office, comme tout film français qui tente de sortir de l'ordinaire. C'est aussi le 3ème film de Benjamin Rocher après le confu « La horde » mais le très prometteur moyen-métrage "Goal of the dead partie 1" (que je conseille) dans lequel jouait déjà Alban Lenoir, pièce maitresse de son nouveau film. Alors énième tentative vaine de ciné d'action hexagonal ? Ou nouvel production Europacorp-like foireuse? Les mauvaises langues tirent déjà sur le film avant sa sortie, la présence de Jean Reno n’aidant pas à croire au renouveau du ciné français. Pourtant...
Soyons clair, la volonté même du film est de venir tataner la face au polar français à Papa, et se démarquer de la vague française récente du polar déprimé tendance Olivier Marchal. Pour ça il importe (à outrance) les codes du ciné US qu'il prend nettement comme référence ; pour le script on pense à "Heat" (cf la fusillade de rue) et pour le ton global on penche vers "L'arme fatale" (avec le lot de punchlines entre 2 générations de flics). Alors clairement c'est la grande qualité du film, qui offre au cinéma français un genre très peu (ou souvent mal) exploité, mais c'est aussi sa faiblesse majeure tant parfois il reproduit à l'excès les codes hollywoodiens jusque dans ses défauts. Mais ne soyons pas tatillons car le film, avec des moyens forcément limités, nous livre un divertissement de premier choix. Ça déconne, ça ne se prend pas (trop) au sérieux (non mais cette musique de générique de fin quoi !!), et quand ça envoie l'action... Ça envoie du lourd. Ça fait plaisir de voir le ciné français s'éclater de la sorte, quand on sait que nos cascadeurs doivent souvent s'exporter à l'international pour vivre. Le film s'amuse même de ça en narguant les détracteurs ; "Ici on est en France, pas aux États-Unis" scande le commissaire qui veut maintenir l'équipe dans un droit chemin vain et mortifère. L'insolence de l'équipe (qui ne suivra jamais les consignes) est bien celle de l'équipe du film qui vient faire un bon bras d'honneur au ciné français convenu.
Avec un vrai sens du cadre qui claque, Benjamin Rocher réussit l’exploit de réaliser des scènes d’action haletantes, bien rythmées et bien menées (avec quelques coups de mains numériques un peu voyants parfois). Trop confiant, il y va même un peu trop fort et quelques effets too much. Mais le film se veut tellement généreux qu’on lui pardonne ses faux pas. Récemment seul Fred Cavayé avait réussit à soigner l'action à ce point (cf "A bout portant" et non le raté "Mea Culpa"). On aurait apprécié que le scénario ose autant que la réal, car de ce côté c’est du très classique, mais au moins c’est efficace et les dialogues, souvent réussis, permettent de tenir l’intérêt et le fun. Jean Reno peine à rester crédible, manquant souvent de dynamisme pour le rôle, mais Alban Lenoir marque encore les esprits un mois après "Un français", et assure son passage du petit au grand écran avec un rôle fun et physique.
Grosse surprise, un film de genre français fun, ultra référencé (même trop) et qui assure le job en terme d'action. Sa générosité et sa maitrise de l'action pardonnent les excès et les défauts. C'est assez rare en France alors soutenons ce jeune cinéma qui ose.