Premier succès dans la carrière monstrueuse du plus charismatique des metteurs en scènes italo-américains, Martin Scorsese, Mean Streets n’est, somme toute, qu’une chronique sociale. Enfant parmi des milliers d’autres des rues violentes et déstabilisantes de Little Italy, New-York, le réalisateur livre sa vision d’une jeunesse à la dérive, coincée entre le rêve américain et la pègre, coincée entre le bien et le mal. Sans s’égarer dans les méandres du purement fictionnel, Scorsese nous fait suivre de près une petite bande de copains, dont particulièrement Charlie, neveu du boss local, attentif, consciencieux, et son cousin et ami, Johnny Boy, fougueux et dangereux délinquant des rues, débiteur de truands locaux et imbattable je-m’en-foutiste n’étant jamais compatible avec les plans de carrière du premier. Mais les liens familiaux, les liens du sang, seront-ils plus fort que la respectabilité, la promesse d’un avenir radieux? Nous le savons tous, nous nous naissons jamais tous égaux en ce monde. Mean Streets est la chronique spécifique d’un tel postulat.
Le film marque aussi les débuts d’une fructueuse collaboration entre le metteur en scène et son acteur fétiche jusqu’aux portes du 21ème siècle, Robert DeNiro. Incarnant ici l’électron libre, le fauteur de troubles, le comédien démontre déjà, en 1973, d’imbattables talents d’immersion, d’interprétation. Face à un Harvey Keitel plus timoré, quoiqu’excellent, l’acteur porte à demi le long-métrage, incarnant la roue voilée dans la machine, prétexte à tous les écarts de conduite, source de tous les problèmes de gens plus raisonnables. Petite chronique sociale qui prend finalement l’importance ultime d’une indispensable plongée dans les milieux italo-américains de la Grosse-Pomme, Mean Streets, film qui ne se voit jamais comme une fiction traditionnelle, pourrait éventuellement perturber un public attendant au tournant le drame, l’humour et la violence gratuite.
Comme l’on faits bon nombre de metteurs en scène pour leurs débuts respectifs, Martin Scorsese parle de son univers, de son milieu. Construisant ses personnages sur la base de réels individus, le réalisateur ne livre qu’une simple vision réaliste de son milieu de vie. Sans suspens, sans surenchère, Martin Scorsese démontre qu’un film peut aussi s’apparenter d’avantage au documentaire qu’à la fiction pure et dure. Important sur le plan humain, sur le plan social, Mean Streets n’aura finalement que peu de poids dans la filmographie du bonhomme, mais s’avère toutefois un véritable élément déclencheur, la source de toutes les qualités du réalisateur par la suite. On y retrouve déjà les séquences de liesse, de débordements, les moments de fêtes qui caractérisent bon nombre des prochains hits de sa filmographie. Ici aussi, par ailleurs, le réalisateur met en valeur une bande-son composée de tubes d’époque.
Indispensable pour les amateurs du réalisateur, pour les aficionados des chroniques sociales réalistes et dramatiques, Mean Streets équivaut à un travail de reconstitution historique. Film d’actualité lors de sa sortie, celui-ci se targue maintenant d’être une mémoire filmique d’un temps révolu. C’est finalement passionnant de replonger 40 ans dans la passé, dans le travail de grands noms du cinéma alors qu’ils travaillaient alors à faire d’un film un reflet social crédible et réaliste. 15/20