Avec « Miss Hokusai », Keiichi Hara est passé à côté d’un chef d’œuvre… Tous les éléments y étaient, un sujet intéressant, une équipe technique hors pair, et le savoir faire du réalisateur (rien que de repenser à « Colorful », on pouvait attendre ici le meilleur). Le résultat final est en demi-teintes.
La plus forte entrave à l’enthousiasme tient au scénario. En adaptant le manga éponyme, on s’attendait à une biographie de O-Ei de la fille de l’estampiste Hokusai, ou pour le moins une évocation libre de sa vie, à laquelle viendrait se greffer un environnement historique et social. Hors c’est tout l’inverse qui semble se produire. Keiichi remémore un segment de passé du Japon (la période Edo), avec ses us et coutumes, ses croyances et son contexte sociologique, y affichant son immense admiration pour l’art si prolixe de cette période. Ce qui donne lieu à une juxtaposition de scènes assez décousues, dont le fil ténu est la vie de la famille Hokusai, un prétexte filmique. C’est un choix, personnellement je trouve que le film en perd sa cohérence.
Toutefois, on ne peut qu’être enthousiaste sur la partie visuelle qui donne à l’œil autant d’émerveillement que chez les grands maîtres d’alors. L’hommage est réussi, certaines scènes sont exceptionnelles car elles offrent le mouvement aux estampes recréées. D’ailleurs Hara ne se contente pas seulement d’évoquer le génie d’Hokusai, l’inspiration générale tiendrait d’ailleurs plus du pinceau d’Hiroshige (scènes du pont, de neige, perspectives linéaires des rues, exagération des ombres) avec ses « Cent vues d’Edo » ou encore « les stations de la route de Tôkaidô. Il essaime habilement les clins d’œil furtivement (la mante religieuse de Buncho, la fameuse vague) ou de manière appuyée. C’est du grand art.
Pour le reste, le personnage d’O-Ei est un peu mal traité, par son côté « féministe avant l’heure » au détriment de l’artiste, très peu mis en valeur. Ensuite parce qu’il est passablement antipathique, revêche au niveau du trait jusque dans la voix, qu'il en devient caricatural dans ses fulgurances. Autre aspect négatif, le melting pot musical stresse un peu, enchainant sonorités rock et mélodies traditionnelles sans réelle cohésion.
Et finalement, l’intérêt du film repose sur les thèmes confidentiels traités en filigrane, la place de la femme dans cette société, la crise économique que traversait le Japon alors. Mais aussi des sujets plus tabou comme l’attrait du public pour les « shunga », estampes érotiques toutes aussi prisées que le reste, la prostitution ou encore l’énigmatique personnage du Taikomochi, geisha homme.
« Miss Hokusai » est une vraie déclaration d’amour de Keiichi Hara au Japon traditionnel, il a souhaité y traiter tous les aspects, historiques, sociologiques, spirituels… trop sans doute sur un format aussi court.
Il suffit pourtant de repenser aux jeux de O-Nao dans la neige, à l’onirique envol de dragon, du rouge aux joues d’O-Ei qui découvre l’amour, de la beauté féline de Sayogoromo, à tous ces paysages ou décors sublimés, pour sourire béatement à la pensée de ce film.