Le jeune réalisateur, jusqu'à présent comédien, Naël Marandin, s'intéresse à celles que l'on appelle "les marcheuses de Belleville", puisque c'est dans ce quartier à forte présence chinoise que l'on peut les croiser. Elles n'ont pas de macs; elles sont venues pour envoyer de l'argent à leur famille... L'héroïne, Lin Ayiu (Qiu Lan), après la fermeture de l'usine où elle travaillait et la disparition de son mari a suivi comme bonne une riche famille de Chinois du Sud; comme ceux ci n'aiment pas les Chinois du Nord, ils n'ont aucun scrupule à les exploiter.... Son salaire ne lui permettant pas de faire venir sa fille, elle s'est retrouvée sur le trottoir. 50€ avec capote.
Pour tenir il y a la solidarité entre filles. Elles rient entre elles, se moquent de leurs clients, se retrouvent pour boire un coup ou faire un karaoké.... La plupart d'entre elles occupent une sorte de dortoir dans un immeuble; Lin, elle, est logée avec sa fille chez un vieux monsieur impotent et incontinent (Philippe Laudenbach) dont elle s'occupe intégralement, seule, en échange de quoi la famille lui assure "généreusement" le gite.... quand la petite Cerise (Louise Chen) est au collège, sa mère fait quelques passes. Cerise doit surtout ne jamais traîner dans la rue; Lin la voit toujours comme une petite fille alors qu'elle entame le dangereux virage de l'adolescence.
Les filles ont un rêve en commun: séduire suffisamment un client pour qu'il promette le mariage! (bon, de la promesse à l'acte...); ou séduire un flic, garantie de protection! Mais le courant, c'est le type qui devient menaçant, une fois l'affaire faite; qui au dernier moment refuse la capote; qui abandonne la fille au milieu de nulle part. C'est le côté très intéressant du film, cet aspect reportage; Naël Marandin connait bien le milieu!
Un jour, débarque dans le vieil appartement tortueux et défraichi un type tatoué, débraillé et menaçant (Yannick Choirat), qui habitait en face, et manifestement, on veut lui faire la peau. Un type pas net, mêlé à des affaires pas nettes; une crapule aux prises avec d'autres crapules. Et dans la tête de Lin, qui ne voit pas de solution (en parler à la famille, ils la mettront dehors; en parler aux flics.... pas question), germe une idée: il la tient, par la peur; mais d'un autre côté il est aussi à sa merci. Elle lui propose un deal: elle se débrouille pour trouver la somme qu'il doit à ses poursuivants et, en échange, il l'épouse. Des papiers, enfin! Bon, vous verrez la suite.
Ce n'est pas un chef d'œuvre du cinéma; c'est un petit film, très court d'ailleurs, mais c'est un film intéressant. Un film social, mais sans pathos ni gnangnan. Tous les protagonistes sont justes, bien dessinés. Donc dans la catégorie des films à voir.