Les raisons de signer pour un film sautent parfois aux yeux dès les premières minutes. Dans le cas de cette version 2018 de Robin des Bois, elles sont cristallines.
L'effet ressenti est celui de voir une tripotée de fâcheux dégrader le mythe avec une ardeur qui confine à la déviance. À ce niveau de monstruosité, le long-métrage de Otto Bathurst fait jeu égal avec le regrettable Roi Arthur de Guy Ritchie. Sale temps pour les icônes.
L'incipit se refuse à situer le film dans une quelconque forme de réalité historique pour le fondre dans un univers d'heroic fantasy. Légitime, le personnage présente plusieurs caractéristiques du genre (style médiéval, souffle épique). Mais même dans cette configuration, impossible de ne pas être choqué par une direction artistique en forme de pudding informe, limite obscène, entre Batman Begins, Assassin's Creed et un clip d'Era.
Bien que certaines références à l'époque contemporaine soient visibles, elles sont jetées avec tellement de nonchalance qu'elles en perdent toute signification. Une impiété qui n'a d'égal que l'incapacité du film à se montrer plastiquement tolérable. Vous aurez grande peine à croire que ce Robin des Bois a coûté la bagatelle de 100 millions de dollars tant son indigence formelle crève les yeux. Les décors sont d'une pauvreté cinégénique impensable, on jurerait que le film a été tourné avec 3 décors et une poignée de figurants. Les costumes tentent la greffe moyen-âge et la collection Jean-Paul Gaultier, le résultat brûle la cataracte. Et ne parlons pas des effets spéciaux répugnants, sûrement générés avec un logiciel d'infographies périmé depuis 20 ans.
À la mise en scène, Otto Bathurst convoque les pires travers du cinéma d'action, quelque part entre Renny Harlin et John Moore. Gestion de l'espace envoyée au quatre vents, ralentis abominables à foison, chorégraphies à pleurer, et ce montage qui évoque l'œuvre d'un boucher aveugle...À titre d'exemple,
l'introduction en Arabie est une pure démonstration de grand n'importe quoi. On se croirait dans un Call of Duty du pauvre. Sérieusement, vous changez juste les fusils par des arcs, le résultat est exactement le même (il y a même une mitrailleuse gatling à flèches !).
Artistiquement, le long-métrage est l'un des plus laids que j'aie vu depuis très longtemps. Heureusement, les comédiens ont l'air de partager cet avis. Incidemment, leurs prestations sont au mieux fonctionnelles (Ben Mendelsohn), au pire indignes (tous les autres).
Bref, celui qui s'est fait détrousser ici, c'est Robin des Bois. On lui a ôté son charisme et sa portée symbolique. Le plus grave, c'est que lui n'a rien demandé tandis que le pauvre spectateur aura sûrement payé pour ça. Dans les deux cas, il n'en ressortira que de la souffrance.