"Le Gardien invisible" m'a été très vivement recommandé par des proches et c'est donc avec de nombreuses attentes que je me suis lancé dans "La Trilogie du Baztan". Mais finalement, ce film m'a laissé sur ma faim.
Je tiens d'abord à saluer le remarquable traitement visuel. En effet, l'atmosphère pluvieuse et mystérieuse (presque mystique) du Baztan est parfaitement capturée par la caméra et de nombreuses prises de vue sont à couper le souffle. La sensation de la conduite sur les routes de montagne est rendue à la perfection et l'on craint à tout instant la sortie de route. Il faut aussi saluer le remarquable jeu de l'actrice Marta Etura (Amaia Salazar).
Cependant, alors que tous les éléments pour un film parfaitement maîtrisé semblaient être réunis, de trop nombreuses lignes de force ne sont pas assez exploitées.
Par exemple, la mythologie basque est certes présente, avec notamment le Basajaun, mais elle est insuffisamment exploitée. La créature est finalement, trop rapidement, laissée à l'arrière-plan et la légende ne nous est pas contée mais nous est expédiée à la façon d'une page Wikipédia. Ainsi, à aucun moment, on ne parvient à croire à une hypothèse surnaturelle.
D'autre part, le traitement des personnages secondaires est trop inégal. Beaucoup sont trop stéréotypés (
le type du flic inutile et crétin, le type du bon collègue, le type de la gentille soeur, etc.
) et d'autres ne sont pas assez exploités (
comme la soeur hargneuse dont on a du mal à comprendre certaines motivations
). Par contre, on apprécie le personnage de la tante qui est très convaincant et qui est le seul pilier de l'atmosphère surnaturelle (
même si dans le deuxième volet de la trilogie on ne comprend pas certaines de ses réactions : pourquoi n'apprécie-t-elle pas Aloysus?, etc.
). D'ailleurs, la relation entre Amaïa et Aloysus n'est pas suffisamment exploitée et est même difficile à cerner (on a l'impression qu'Aloysus est là pour permettre à l'autrice de donner une suite à la trilogie qui s'appellerait par exemple "La Trilogie de la Nouvelle-Orléans").
Le personnage du tueur et ses motivations ne sont pas non plus totalement probants
.
Le traitement des flash-back est réussi (ils sont bienvenus, et bien insérés) et le récit de l'enfance d'Amaïa est bien maîtrisé. Par contre, le rythme de l'intrigue policière est mal déployé. Bien qu'on avait tous les éléments pour avoir un vrai thriler, à aucun moment on ne frisonne (sauf sur les routes de montagne sinueuses et sous la pluie). Malgré des paysages lugubres, on a du mal à être inquiété. De nombreux éléments sont beaucoup trop prévisibles (d'ailleurs, à la fin du premier volet, on a déjà les réponses du deuxième volet) et d'autres ne sont pas suffisamment amenés.
La découverte du meurtrier apparaît ainsi comme un deus ex machina, davantage le fruit du hasard que d'une enquête. L'explication de la résolution de l'enquête lors de la réunion finale n'est pas non plus convaincante. Il n'y a ni surprises et certaines interrogations (laissées sans réponses) semblent avoir été oubliées par les enquêteurs. Amaïa ne semble pas se demander pourquoi elle a vu la jeune fille disparue à sa fenêtre ou qui dépose les noix (elle ne les prend d'ailleurs pas comme pièce à conviction). On pourrait s'attendre à ce qu'elle se pose ces questions puisqu'elle est malgré tout étrangère à l'univers mental de croyances des habitants de la vallée du Baztan.
C'est donc un film agréable à regarder, qui nous fait passer un bon moment et l'on a envie de continuer à suivre l'enquêtrice dans d'autres aventures. Le traitement visuel et les acteurs sont la véritable force de cette fiction mais l'intrigue policière est trop faible et la mythologie basque est insuffisamment exploités. On aimerait avoir davantage de frisson. On apprécie beaucoup le traitement personnel du drame d'Amaïa.
"Le Gardien invisible" est donc un film à voi même si c'est loin d'être le meilleur policier de l'année.