Melville est un cinéaste qui m’avait un peu échappé jusqu’à maintenant, j’ai donc décidé de rattraper ma méconnaissance en regardant Le Cercle rouge, film qui passe souvent pour l’un de ses meilleurs, si ce n’est le meilleur.
Et bien c’est une franche réussite, à laquelle j’opposerai de petits bémols, mais vraiment rien qui va venir ébranler sérieusement la note que lui accorderai.
D’abord l’interprétation de certains acteurs, spécialement de Delon, mais un peu aussi celle de Volonte. Ils donnent l’impression de ne pas être complètement à l’aise avec leurs personnages. Delon n’est pas très crédible en bandit mutique qui ne change pas d’expression durant tout le film et Volonte est un peu dans la même veine, bien que ce soit moins sensible. J’ai trouvé ces postures un peu forcé, d’autant que curieusement si ça colle plutôt bien à des acteurs comme Gabin, ici c’est moins le cas pour Delon. Cela étant ça reste dans l’ensemble solide, surtout avec un Bourvil très surprenant dans un rôle sérieux qu’il porte avec son talent habituel. En général il ne déçoit pas, et là c’est le cas dans un rôle différent, et dès qu’il évolue dans un bon film on voit d’autant son talent, alors que malade il aurait pu être peu crédible en commissaire de police. Montand est à mi-chemin, meilleur que Delon et Volonte mais moins marquant que Bourvil.
Cette interprétation inégale est pour moi le seul vrai défaut du Cercle rouge. Certains le trouveront sans doute un peu lent et mou, mais on est dans l’équivalent polar des films de Leone en fait ! Le travail de mise en scène est remarquable. Rien à dire, on sent que Melville n’est pas là pour emballer son truc et toucher la monnaie, il s’applique énormément, avec des plans superbes, une recherche dans les cadrages de chaque instant, et une superbe séquence de braquage au milieu. Très beau travail, presque trop appliqué, un peu comme dans certains Kubrick s’en est presque pas assez naturel. Mais enfin c’est superbe, et le travail sur la photographie et le décor (l’appartement de Bourvil, un fourmillement de petits détails) est à la hauteur aussi.
L’histoire pourra paraître classique, mais c’est superbement construit. La première partie est excellente et surprenante, la deuxième est plus conventionnelle du polar français, ensuite un braquage remarquable, et enfin une dernière partie toute en progression tragique qui débouche sur un excellent final. Ce n’est pas très alerte certes, Melville prend son temps, mais je suis resté attaché au métrage sans difficulté grâce à l’efficacité de la narration et à la fluidité du récit, qui se comprend d’ailleurs avec finalement très peu de dialogues et d’explication sur qui est qui et qui fait quoi.
A noter aussi une très belle partition musicale, étrangement discrète et pourtant essentiel à plusieurs reprises.
Le Cercle rouge est donc un superbe film que je ne peux que recommander si vous aimez le genre. Dommage que malgré le casting éblouissant sur le papier Delon soit en-dessous de certaines de ses autres prestations, tout comme Volonte, mais heureusement on retrouve un Bourvil en grande forme et surprenant. Pas parfait à mon sens, mais un film majeur à n’en pas douté. 4.5