Cela me fait de la peine de voir que la bande-annonce de Saint Amour soit aussi trompeuse. Elle présente le film comme une mauvaise comédie française, avec son lot de pathos et de blagues ratées, ce qui attirera un public qui ne trouvera pas son compte et en repoussera un autre qui aurait pu être intéressé. Ce genre d'erreurs sur la marchandise ne peut que faire des déçus. Mais bon, heureusement, le film va bien au delà de cet aperçu médiocre. Ce qui est drôle, c'est de constater que les blagues qui tombaient à plat dans le trailer fonctionnent vraiment bien une fois remises dans le contexte du film (bon j'ai eu une bonne salle, ça aide). Il faut dire que Delépine et Kervern n'attendent pas le déluge pour faire décoller l'humour, ils donnent à l'ensemble un bon coup de cravache et c'est parti ! Le fait que le personnage de Poelvoorde n'est pas très à l'aise en société est l'un des principaux ressorts comiques, ce qui est assez convenu, mais cela fonctionne grâce au grand travail de l'acteur (ils sont d'ailleurs tous aussi bons les uns que les autres). Ses tics, sa façon de bredouiller, c'est tellement étudié qu'à aucun moment on a l'impression que c'est factice. Et puis de toute façon, les réalisateurs ne se limitent pas à quelques gags bien vus, ils vont à fond dans le délire en multipliant les situations farfelues pour mieux rire du malaise des personnages. C'est d'ailleurs la manière de construire l'absurde qui m'a vraiment épaté. Le film démarre un dialogue normal avant d'introduire un élément loufoque venant du hors-champ, souvent à la toute fin de la scène. Non seulement cela fait mouche, mais en plus cela donne parfois un second niveau de lecture au événements, soit en rajoutant une couche d'humour (l'aquarium), soit en prenant du recul sur les choses sérieuses qui ont été dites (les toilettes). A quelques moments, le long-métrage prend un ton plus sérieux et se tourne un peu plus vers l'émotion. Généralement cela met en valeur le lien qui unit les personnages de Depardieu et de Poelvoorde, et c'est fait en douceur, avec retenue. Cela fait sens quand cela arrive, ça ne sort pas de nulle part et cela permet aussi au spectateur de respirer un grand coup avant de reprendre une bonne dose d'humour potache, qui est, je crois, la marque de fabrique des réalisateurs. Finalement, je vois Saint Amour comme l'antithèse de la comédie formatée. Le film ne s’embarrasse pas des conventions. Par exemple, il n'hésite pas à perdre son spectateur (le personnage de Vénus, je n'ai pas compris) et à représenter le sexe d'une manière assez culottée. De ce fait, l'ensemble est traversé d'un sentiment de liberté particulièrement agréable. Un grand cru.