J'aime beaucoup le cinéma de Delépine et Kevern et ce film ne déroge pas à la règle, j'aime cet humour absurde, ces gens qui ne sont pas forcément bons, mais qui arrivent malgré tout à être réellement touchant. Saint-Amour c'est exactement ça, même s'il est sans doute un peu plus "gentil" que d'autres de leurs films.
Si je pense que le film sort exprès en même temps que le salon de l'agriculture, je ne pense pas qu'ils s'attendaient à sentir en pleine polémique sur le monde agricole et quelque part ça tombe bien qu'il sorte en ces temps troubles parce que outre les blagues sur les alcoolos il y a quand même beaucoup d'amour dans ce film, c'est un film qui parle malgré tout du mal-être du monde paysan, où ces gens sont prêts à aller s'aliéner à travailler à Jardiland plutôt que de reprendre la ferme... C'est un film qui aborde plusieurs fois le travail de la terre, la richesse du métier, ses avantages contre les préjugés de ceux qui ne connaissent pas. Alors je suis d'autant plus sensible à ça que j'aime la paysannerie, que j'aime les gens qui vivent de leur travail manuel, qui donnent vie à leur terre, qui produisent et qui ne sont pas des parasites (d'ailleurs rien à voir mais France Culture passait il y a quelques jours témoignages d'agriculteurs, jeunes, vieux, montrant leur détresse et c'était absolument édifiant).
Le film est vraiment beau et touchant car il arrive à parler de choses très vraies malgré la comédie qui pourrait ne pas faire rire tout le monde, mais que j'aime beaucoup. J'aime cette manière d'étirer les scènes, de voir Depardieu raccompagner une jeune fille chez elle, la voir s'allonger sur le lit, pendant que son fils et son chauffeur sont dégoûtés de ne pas avoir réussi à la troncher et qu'elle se met tout à coup à parler de la dette... C'est excellent. D'autant plus que durant tout la séquence qui précède on la voit mutique, tirant la gueule, ne sachant pas faire son métier de serveuse, galérer à prendre un crabe dans un aquarium... et là on a cette scène qui tranche radicalement avec le reste. Et comment parler de ce film sans mentionner la séquence juste hallucinante avec Houellebecq complètement malade qui avec sa tête de ravagée se met à activer des jouets pour bébé avant de ne pas s'arrêter de proposer des trucs pour le petit-déjeunez...
Et ce film est plein de petites choses comme ça, de petites choses qui l'illuminent. J'adore la très courte séquence avec Chiara Mastroianni qui rayonne vraiment... Mais surtout la fin avec la rencontre de Céline Sallette, sublime comme à son habitude et la voir comme ça sur son cheval en plein Paris, ben ça fait quelque chose... On la sent libre.
Et j'ai l'impression que tout le cinéma des deux compères parle de ça, de la liberté c'est pour ça qu'ils font pas mal de roadmovie, genre que je n'aime pas trop, mais que j'apprécie chez eux. On se rend compte finalement que les tracas de la vie quotidienne peuvent être remplacés par de l'amour, peu importe sa forme. Et ça c'est beau.
Je ne peux pas mentionner toutes les séquences qui valent le détour, mais je veux juste encore parler de Depardieu qui téléphone à sa femme, la tournure que ça prend, ça en devient juste déchirant... c'est le genre de petit truc que je trouve absolument émouvant.
Le film est plein de moments super gênants (pas au sens péjoratif) avec Poelvoorde qui boit, qui tente de draguer, on sent toute la misère de ce type, ce type pas méchant, qui veut bien faire mais qui souffre... et j'aime le fait que jamais on ne se moque vraiment des personnages, ils sont avant tout attachants...
Et en sortant de ce film c'est un gros bol d'air frais qu'on a pris.
Je reprocherai juste l'abus de gros plans sur la fin qui n'étaient pas forcément nécessaires.