Le roman autobiographique de Joseph Joffo, récit d’une enfance bouleversée dans la tourmente de la Seconde guerre mondiale, a été très souvent inclus dans les programmes scolaires, pour l’éclairage qu’il pouvait apporter sur la brutalité d’un conflit et d’une idéologie destructrice à hauteur d’enfants qui n’en perçoivent que les contours : en 1942, Joseph et son frère, enfants parisiens ordinaires, sont obligés de fuir, seuls, vers la Zone libre à la demande de leurs parents qui avaient compris quelle serait l’étape qui suivrait le port de l’étoile jaune ; obligés de fuir, encore, dans des villes de province, de se cacher dans des camps d’entraînement pour Jeunesses pétainistes, de dissimuler leur propre judéité aux troupes en vert-de-gris et aux Miliciens mais aussi à leurs compatriotes à la loyauté parfois trouble ; conserver, enfin, un peu de foi en l’humanité à la faveur de quelques rencontres précieuses d’hommes et de femmes qui risquent leur vie pour eux ou, a minima, respectent la parole donnée. Déjà porté à l’écran par Jacques Doillon en 1975, ‘Un sac de billes’ fait les frais d’une nouvelle adaptation qui respecte strictement le cahier de charges de l’épopée historique et mémorielle à la française : la Guerre, l’antisémitisme, la Shoah jettent un voile d’ombre sur l’oeuvre, en arrière plan, mais on n’en perçoit directement que la peur et la douleur des enfants, terrorisés à l’idée d’être contrôlés dans un train par un soldat allemand, interrogés et maltraités par un officier qui s’est juré de percer à jour leur subterfuge mais surtout perpétuellement angoissés par la séparation avec leurs parents et leurs frères. En contrepartie de ces moments de tension, on découvre aussi ces instants volés de liberté sur les routes de France, la joie des retrouvailles familiales, celle d’un court répit accordé par l’histoire au bord de la Méditerranée, une amourette platonique avec la fille d’un collaborateur chez qui Joseph travaille comme commis et toutes ces anecdotes qui font que même au coeur de l’horreur, un enfant parvient à conserver une part d’insouciance. S’il est très prévisible dans sa manière de relater et d’illustrer les faits, ‘Un sac de billes’ se montre aussi tout à fait équilibré : il évite de désincarner le drame en le théorisant et le métaphorisant à l’excès mais, malgré nombre de moments émouvants, ne succombe pas au pathos pour le pathos. En fait, à l’instar du bouquin, ‘Un sac de billes’ constitue une parfaite introduction à la mémoire de l’Occupation et, plus indirectement, de l’Holocauste, qui obéit parfaitement à sa vocation de mettre des images sur des événements et des concepts qui, pour les jeunes générations d’aujourd’hui, perdent de leur signification et de leur valeur exemplative.