Le film de Christian Duguay est un film réussi à beaucoup de point de vue, et l’importance de son sujet fera qu’on lui pardonnera aisément les quelques petits défauts qu’ils comportent néanmoins. La réalisation de Christian Duguay n’est pas très originale, elle est même pour tout dire très académique dans sa forme, dans l’utilisation de la musique (un peu trop appuyée dans les scènes tristes, un peu trop envahissante parfois), dans les plans, la photographie, tout cela est très propre mais très classique. Le film aurait pu être fait par un autre réalisateur, on n’y aurait vu que du feu, Christian Duguay fait le job, pas plus, mais pas moins. Je lui reconnais quand même une vraie réussite, c’est dans le rythme du film. Il n’y a aucun temps mort, aucune scènes superflue, on ne s’ennuie pas une seule seconde dans ce film que dure pourtant presque deux heures. C’est une vraie qualité car j’ai vu des films beaucoup moins long en paraître bien plus, faute d’avoir resserrer le montage, faute d’avoir élagué le superflu, faute d’avoir trop fait durer telle ou telle scène. Ici, c’est soutenu, c’est resserré, c’est réussi, rien à redire. Fort d’un casting très pertinent, il raconte une histoire forte et il le fait avec sérieux et application. Les deux parents sont incarnés par Patrick Bruel, visiblement très impliqué dans ce rôle de père et Elsa Zylberstein, très bien également dans un rôle finalement assez discret. Il y a aussi pléthore de bons acteurs dans des seconds rôles assez forts pour qu’on s’en souviennent même quand, à l’écran ils n’apparaissent que quelques minutes, ce qui est la marques des bons seconds rôles : Bernard Campan en collabo, Kev Adams en jeune résistant (et il n’est pas mauvais du tout d’ailleurs, comme quoi on pourrait peut-être l’aider à sortir de ses habits de djeun’s rigolo !) ou
Christian Clavier dans le rôle plus ambigu d’un médecin juif condamné à collaborer avec les allemands
, et donc à dénoncer ses pairs. Mais ce sont surtout les deux jeunes qui sont épatants. Comme souvent, les enfants au cinéma jouent avec tout leur cœur, sans calculer, sans se prendre la tête avec leur émotions et ça fait mouche : Batyste Fleurial et Dorian Le Clech irradie ce film de leur malice, tout à tour émouvants, drôles, enchainant les scènes de comédie et les scènes tragiques sans jamais faiblir, de la première à la dernière scène, ils sont pile dans leur rôles, ils sont formidables. Quant au scénario, puisque je n’ai jamais lu le livre de Joseph Joffo, je ne peux pas juger de la qualité de l’adaptation mais seulement du scénario en tant que tel. On pourra lui objecter quelques petites choses, de faire par exemple un petit peu de pathos parfois, mais avec un sujet pareil, difficile d’y échapper et de ce point de vue, « Un sac de billes » n’en rajoute pas plus qu’il n’en faut. J’imagine qu’avec moins de pudeur, moins de retenue, ils auraient pu faire bien pires en termes de scènes larmoyantes. Le scénario a aussi un côté très « scolaire » qui peut faire un peu sourire quand on le regarde avec le recul de ceux qui connaissent déjà bien l’histoire de la France occupée. Il n’y manque pas grand-chose : la zone libre, les rafles, l’Etoile Jaune, les passeurs (qui n’oublient pas de se faire grassement payer au passage), les justes (des curés, à deux reprises) qui cachent les juifs, les salopards qui les dénoncent, la milice, les collabos, la gestapo, le marché noir, la résistance, la Libération, les règlements de comptes après le départ de allemands. Tout y est, il ne manque rien de ce grand cours d’histoire de deux heures. Ca fait un peu scolaire, un peu didactique quand même. On se dit que le film a été fait pour les séances scolaires dans un premier temps, et pour un dimanche soir sur TF1 dans un second temps ! Mais comme je l’ai dit, ça passe bien et même si on connaît déjà tout ça pour l’avoir vu illustré 100 fois déjà par le cinéma (« La Rafle », « Au revoir les enfants », « Elle s’appelait Sarah » etc…), on ne s’ennuie pas, on s’attache aux gamins, on envie presque leur innocence dans ces temps si abominables. Et puis, les leçons d’histoire, ça ne fait jamais de mal : c’est comme une piqûre de rappel, on croit qu’on n’en a pas besoin parce qu’on n’est pas malade et que personne ne l’est tout autour mais la maladie mortelle peut ressurgir un jour d’on ne sait où et frapper de nouveau, avec une souche légèrement différente mais tout aussi dangereuse et mortifère. Si « Un sac de billes » n’était pas l’histoire vécue de Joseph Joffo, on pourrait presque trouver incroyable que deux gamins si jeunes (et si prompts à faire des bêtises de gamins) lâchés sur les routes de France en 1942 aient vécu des aventures si fortes,
aient bravé dangers sur dangers, aient été à maintes reprises à deux doigts d’être déportés et aient fini par s’en sortir et par retrouver en partie leur famille à Paris (point de départ et d’arrivée) en 1944.
En résumé « Un sac de billes » est un film réussi, drôle et émouvant à la fois, certes un peu scolaire mais accessible à tous (et notamment aux plus jeunes), bien maîtrisé et bien interprété Il n’y a pas grand-chose à demander de plus pour une bonne séance de cinéma.