Comment sortir de la prison dans laquelle la société peut, parfois, nous enfermer ?
C’est avec Les Délices de Tokyo que Naomi Kawase symbolise cela. Les dorayakis sont des pâtisseries traditionnelles japonaises qui se composent de deux pancakes fourrés de pâte de haricots rouges confits, « AN ». Tokue, une femme de 75 ans, va tenter de convaincre Sentaro, le vendeur de dorayakis, de l’embaucher. Elle a le secret d’une pâte exquise et la petite échoppe devient un endroit incontournable…
C’est une poésie naturelle et culinaire que nous récite la réalisatrice. Dans ce film, rien n’est forcé, tout est naturel. Tel le vent qui souffle sur les feuilles d’automne, le film nous accompagne avec douceur et calme sur le chemin qu’emprunte ce scénario. Cette oeuvre repose sur un parallèle entre la cuisine et la nature.
Mais peut-on seulement résumer ce film à une promotion de l’écologie ? Voici la raison pour laquelle c’est également une leçon de vie à la société. Essayons de l’expliquer à travers une analyse des couleurs.
Nous avons tout d’abord la présence de la couleur grise à 2 moments différents du film :
- Au début du film, Sentaro porte sur lui des vêtements gris.
- A la fin du film c’est Tokue qui porte du gris et qui a même les cheveux qui ont grisés
Cette couleur est utilisée pour exprimer une certaine tristesse teintée d’une forte solitude. En effet elle passe de Sentaro qui se sent triste et ne sourit jamais à Tokue à la fin du film qui ressens une triste solitude. Comme si la vieille dame était venue aspirer la tristesse du jeune homme afin de le sauver. La tristesse est donc rendue éternelle puisqu’elle ne s’éteint jamais …
Seulement, l’espoir est là, car le gris entoure des couleurs bien plus chaudes et surtout plus vivantes.
Continuons avec le rouge. Nous pouvons tout d’abord voir cette couleur à travers les lunettes de Tokue: ses verres sont teintés de rouges comme si elle avait décidé de ne voir que l’amour de toutes les choses qui l’entourent. Il y a également la recette qu’elle veut transmettre à Sentaro : des haricots rouges. Rouge, comme la passion mais surtout l’amour qu’elle souhaite céder à ce personnage si triste via sa cuisine. Rouge enfin, comme la couleur des cerisiers, qui tends plus vers le rose et qui à une signification orientée vers le bonheur. Bonheur, que Sentaro ne voit pas du tout au début lorsque Tokue le questionne sur ces cerisiers. C’est donc l’objectif qu’elle s’est fixée : lui ouvrir les yeux sur la joie qui l’entoure. Le rose est également symbole de la jeunesse, et ce n’est pas un hasard si le premier sourire du protagoniste est adressé à la jeunesse : un symbole de l’héritage transmis aux générations futures.
La nature reste bien entendu très présente dans ce film. Elle accompagne le message qu’il véhicule avec le vert des arbres, de la verdure … Cette couleur signifie l’espoir : même si vous sentez que tout est perdu, la nature est toujours présente. Sans révéler trop de détails, si l’on observe bien le camp de la « population » isolée, on peut aisément observer qu’il est bordé d’une forêt. Comme si, seule la nature ne les avait pas abandonnée. Tokue l’a rapidement compris et a voulu également transmettre l’espoir qui l’a maintenue en vie. On peut également observer régulièrement des reflets de lumière vertes qui s’acheminent directement vers la caméra. Comme si la réalisatrice voulait nous rappeler que ce message nous était surtout destiné.
Enfin, le jaune est représenté par le petit canari de l’étudiante (et seule amie de Sentaro). Au début elle le garde en cage, mais ce canari est un symbole de lumière qui nourri chaque être humain mais aussi et surtout la nature. Sans elle la vie devient morose. C’est la raison pour laquelle, à la fin du film, ce canari est libéré. L’essence même de la vie ne peut être emprisonné dans une cage de fer.
Outre les couleurs, il est également primordial de souligner que les sons prennent une part très importante dans cette oeuvre. Si l’on ferme les yeux, nous sommes incapable de différencier les doux sons de la nature de ceux de la cuisine de Tokue. Naomi Kawase souhaite clairement nous faire passer un message écologique. L’homme et la nature ne doivent faire qu’un. Sans elle, toute forme de vie est impossible.
Alors certes, la société peut parfois être très dure et injuste, mais elle est nécessaire pour régir l’homme. Seulement il est tout de même important de se rendre compte que c’est une addition d’individus qui la compose. Cette oeuvre nous prouve que si nous pouvons rendre la société abominable, nous pouvons tout aussi bien l’embellir avec de petits actes positifs. Et ainsi transmettre à nos futures générations, un monde qui n’en sera que meilleur.