Il se détache afin de pouvoir s’exprimer en solo, Gilles Lellouche réussit un coup important dans une carrière qui n’attendait qu’un divertissement qui lui donnerait foi en son talent. Il signe un retour gagnant de ce côté, en revisitant ce que « The Full Monty » avait proposé à son époque. Néanmoins, on ne se détache pas pour autant des valeurs que l’on véhicule. Les faiblesses peuvent renforcer l’esprit collectif, si elles tendent vers une guérison. On prend la peine de décortiquer cette virilité chez des hommes, rongés par l’âge et leur problème social qui ne leur permette plus d’évoluer. Ils régressent dans leur détresse, sans que la vie leur offre une opportunité, c’est pourquoi il est essentiel de provoquer cette chance inouïe de se reconstruire une vie, une image et un esprit combatif.
La compétition, le catalyseur idéal pour secouer cette bande de bras cassés d’oublier leur mal-être. La natation synchronisée masculine est une discipline qui peut en troubler certain et c’est sur cette image que l’on joue en premier lieu, là où on sème un grain de doute, un grain de folie et un grain de dépression. Chaque membre qui compose cette équipe de fortune aura son mot à dire sur ce triste revers qu’est la vie, mais aura encore plus de choses à raconter lors d’une ascension imminente. Et quoi de mieux qu’un casting cinq étoiles afin de valoriser ces marginaux, qui coulent à pic dans une simple piscine municipale ? Mathieu Amalric, Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde, Jean-Hugues Anglade, Philippe Katerine, Félix Moati, Alban Ivanov et Balasingham Thamilchelvan sont ces acteurs qui portent un message, tantôt subtil, tantôt humorisé pour la cadence scénaristique. On travaillera alors peu leur relation, si ce n’est dans l’eau et au cœur d’un entraînement qui les fera suer et qui les questionnera encore plus sur leur condition. Il faudra être prêt à retenir sa respiration afin de pouvoir faire le vide et se concentrer sur un objectif abordable.
C’est en tout cas ce qu’on leur enseigne à travers l’idée d’effort et synchronisation. Il faut savoir s’effacer individuellement pour penser et agir comme un collectif dynamique et esthétique. Virginie Efira et Leïla Bekhti répondent ainsi présent et forment un duo de coachs très convaincant, la symbiose parfaite entre la concentration mentale et la persévérance physique. Elles ont également des comptes à rendre et ne se privent pas de se manifester par les remords, que ce soit de manière frontale ou non. Le résultat restera le même si elles non plus ne « se relèvent » pas de leur échec commun. Mais au-delà de cette peine qui les embrasse et qui les préoccupe tout au long de leur parcours, il faudra tôt ou tard les affronter et se relever, car une fois qu’ils auront touché le fond, il n’y aura plus qu’un sens pour les guider et ce sera toujours vers le haut.
Est-ce le problème d’ordre familiale, financière ou professionnel qui les rend aussi attachants ? On ne peut les mettre dans le même panier concernant les valeurs et la dignité pour lesquelles chacun tente de défendre ou de récupérer. Sans avoir le désir ni la motivation de nous vendre une comédie populaire sur commande, « Le Grand Bain » a su se montrer audacieux dans le parti-pris et dans la justesse d’écriture. Bien évidemment, nous aurions pu éviter certaines longueurs, mais la formule ne prend pas l’eau comme on pourrait l’anticiper. Bien que la réalisation reste académique et très soignée par une géométrie qui meuble le credo du récit, Lellouche utilise correctement son cadre afin d’y évoque l’unité et la symétrie. Les travellings sont nombreux et les références se multiplient par-dessus, comme si le coup de vieux prenait lui-même part à l’intrigue qui se repose sur une expérience déjà acquise. Certes, le film aura beau recycler des filons connus et dont nous connaissons les codes, mais il reste intéressant de souligner cette démarche morale qui nous épargne le pathos et autres effets de style épurés ou stérile. On en ressort avec le sourire, comme le souhaite un bon feel-good movie qui se respect et qui respect ces personnages.