Depuis son succès hors compétition à Cannes au printemps, le film de Gilles Lellouche est très attendu, accompagné de critique fort élogieuses (et unanimes) et d’une bande annonce hyper prometteuse. De quoi se mettre bien la pression pour un premier film en solo… Et bien, le pari est gagné, dans une salle bourée à craquer et devant un public de 7 à 77 ans, j’ai vu cet après-midi un film formidable. Et d’abord, « Le Grand Bain » est un premier film très maîtrisé, à l’image d’un générique de début inventif et innatendu. Deux heures de comédie où l’on rit beaucoup mais pas tout le temps et surtout jamais bêtement. Certains passages sont même assez douloureux, comme par exemple la scène ou Delphine se fait humilier en public par son ex, qui est une scène courte, coup de poing, forte et particulièrement violente. Heureusement, ces moments plus lourds, plus profonds sont immédiatement désamorcés par un sourire, un dialogue qui fait mouche. Le rire se mèle aux larmes et inversement, d’un point de vue émotion le film est parfaitement dosé, bien rythmé, bien filmé (et c’est difficile de filmer le sport !) et surtout très écrit. On sent que Lelouch à pris un soin très particulier à deux choses : écrire des dialogues pointus et creuser ses personnages en leur donnant une vraie profondeur. J’ajoute à ce concert de louage que la bande originale fait plaisir à la quadragénaire que je suis, à base de Tears for Fears, de Phil Collins et autres tubes des années 80 (les bons, pas les mauvais de la tournée du même nom !) ; Gilles Lellouche a eu la même adolescence musicale que moi, ça se voit et surtout ça s’entends ! Deux heures sans baisser de rythme, et des vrais beaux personnages de loosers un peu ridicules, un peu dépassés, un peu bras cassés, mais jamais pathétiques ! La tendresse qu’il a mis à écrire une galerie de personnages dans lesquels on peut tous se reconnaitre fait plaisir à voir. Pour incarner ces magnifiques loosers, il fallait un casting 5 étoiles et là, c’est le jackpot ! De Guillaume Canet (très touchant et exaspérant à la fois) à Philippe Katherine (formidable), de Jean-Hugues Anglade (à fleur de peau) à Alban Ivanov (adorable), de Leïla Bekhti (flippante) à Mathieu Amalric (qui devrait s’essayer plus souvent à la comédie), de Virginie Efira (bouleversante) à Benoit Poolevoerde (dans son jus), ils sont tous merveilleux, hyper investis, courageux (quand on connait la difficulté de la discipline) et parfaitement crédibles. Avec ce casting, ces dialogues, ces personnages merveilleusement croqués et une réalisation au cordeau, « Le Grand Bain » ne pouvait pas boire la tasse ! Sauf qu’il lui restait un vrai écueil : le scénario et sa crédibilité. Je ne crains pas de dire que c’est un peu là-dessus que je l’attendais au tournant, Gilles Lellouche. Parce que le coup de « Rasta Rockett », le cinéma nous l’a déjà fait une paire de fois ! Bon ici, il fallait faire faire à une poignée de types bedonnants (pas tous, Guillaume Canet est super bien en maillot de bain !) un sport très féminin, réputé pour être le sport les plus dur physiquement et techniquement de la natation. Allait-on y croire, ne serait-ce qu’un tout petit peu ?
Allait on y croire, à ces gars qui, sans fédération, sans soutient sportif, financier ou simplement logistique, s’inscrivent aux championnats du monde de leur discipline en 3 clics sur Internet ? Allait-on y croire, à cette performance aux championnats en question ?
Poser ces questions, c’est déjà un peu y répondre. Non, on n’y croit pas vraiment mais ça n’a finalement aucune espèce d’importance car l’important est ailleurs. Au-delà de la performance, « Le Grand Bain » est un film sur l’amitié. Un groupe de types mal dans leur vie, aux problèmes divers (dépression, solitude, faillite, divorce…), qui ne se seraient jamais rencontrés ailleurs que dans une piscine. Ils ne se seraient jamais appréciés ailleurs que dans cette équipe si étrange. Ils se lient d’une vraie amitié, retrouvent leur amour propre, en faisant une sorte de thérapie de groupe sauvage en maillot de bain dans les vestiaires d’une piscine municipale. Ca aurait pu être n’importe quel sport, mais c’est celui-là, un sport inattendu pour une amitié inattendue, un sport très difficile qui cimente le groupe au point de le rendre indestructible. « Le Grand Bain » ne se moque jamais d’eux, de leur faiblesses, de leurs défauts, on rit avec eux, jamais à leurs dépends. Mine de rien, c’est assez rare dans les comédies françaises du moment, outrancière, parfois vulgaires, souvent mal écrites. « Le Grand Bain » fait penser à une autre comédie magnifique de 2011 « Intouchable » : des personnages complexes, attachants et jamais caricaturaux, un humour très écrit, jamais vulgaire, un film alliant une vraie émotion à des rires sains et sincères, une comédie avec une vraie profondeur et sans aucune méchanceté, mettant en valeur des choses simples et essentielles comme l’amitié, l’altruisme, l’engagement, la solidarité. Quelque chose me dit que le film de Gilles Lellouche pourrait bien connaitre le même parcours que celui d’Eric Toledano et Olivier Nakache, et je le dit comme je le pense, ce serait amplement mérité !