Si ‘Brimstone’ devait ne présenter qu’un seul atout, ce serait sur sa capacité à poser un certain nombre de questions concernant la justification de la violence à l’écran. On remarque assez vite que ce film reprend un certain nombre d’éléments constitutifs de ‘La nuit du chasseur’ de Charles Laughton (le prêcheur dévoyé, la fuite des enfants,...) sans toutefois en constituer une copie conforme, d’autant plus que l’action est transposée dans l’Ouest américain des pionniers par un réalisateur néerlandais qui s’attaque donc à une Geste qui ne fait pas partie de son bagage culturel. Le film possède des qualités certaines : il se débrouille pour générer un suspense qui tient la route puisque, divisé en quatre sections aux noms bibliques, il pose une situation de départ (une femme terrorisée par un pasteur qui semble bien la connaître), apporte les explications venues du passé et revient à la situation initiale pour la conclure dans le sang et la violence. On pressent l’intention métaphorique en arrière-plan, la lutte d’un “Bien� obligé de se compromettre pour faire face au mal absolu. On pressent aussi l’intention militante, celui d’une conquête de l’Ouest envisagée du point de vue de celles qui ne pouvaient être, dans l’inconscient collectif, que des épouses soumises ou des prostituées. Cette vision des choses demeure pourtant incertaine et brouillonne ou, au contraire, voyante jusqu’au ridicule (vous me direz des nouvelles de l’apparition de Kit Harrington à la porte de la grange ! ). Afin de frapper l’esprit du spectateur, Martin Koolhoven n’a sans doute pas choisi la meilleure voie en décidant de ne rien lui épargner : pendaisons, maltraitance domestique, viols avec violence, mutilations et auto-mutilations, sans oublier la folie d’un homme de dieu convaincu que sa damnation inévitable l’autorise à transgresser toutes les lois humaines et naturelles. Là aussi, on comprend que l’idée est de dynamiter le cliché héroïque des pionniers partis fonder une nation et de dépeindre le Far-West comme ce qu’il était sans doute réellement, une zone de non-droit où les vices et les déviances étaient libres de s’exprimer sans entraves. Malgré tout, la justification finit par avoir du mal à tenir la route face à cette volonté de mettre le spectateur de plus en plus mal à l’aise au nom d’un désir de radicalité : il y a une échelle de la violence “acceptable� dans les films qui veulent qu’on les considère autrement que comme des produits d’exploitation, et ‘Brimstone� la dépasse largement. Pourtant, j’aime les films un peu dingues, les démonstrations outrancières aux images fortes, qui brisent les carcans et font fi de toute bienséance...mais j’aime quand elles sont réfléchies, détournées et témoignent d’une authentiques réflexion artistique, comme chez Tarantino (souvent) et Von Trier (parfois). Ici, coincée entre les excès du cinéma bis le plus malade et la froideur du cinéma auteurisant européen, la sauce a du mal à prendre, sans compter que le film étire son catalogue des tortures avec complaisance sur largement plus de deux heures : on a parfois presque l’impression que le réalisateur est lui-même soumis à certaines pulsions sadiques et qu’il essaye de gagner quelques spectateurs à sa cause, histoire de se rassurer ! Je n’aurais jamais questionné un tel déferlement de cruauté si ‘Brimstone’ avait été un chef d’oeuvre, ni s’il avait été totalement clair sur ses intentions...mais dans les deux cas, on en est loin !