Incroyable. Après avoir réalisé Sisters et Phantom of the Paradise, Brian de Palma entame deux ans plus tard l'adaptation du premier roman éponyme de Stephen King, auteur aujourd'hui largement exploité au cinéma. Présenté au Festival d'Avoriaz en 1977, le long métrage y gagnera le Grand Prix. Alors, œuvre culte ou désillusion totale ?
Comme il le fait si bien, De Palma ouvre son film sur un plan séquence où l'on nous présente les personnages et le cadre de l'action. Nous sommes dans une petite bourgade américaine, plus précisément dans une université, lieu de toutes les folies et méchancetés. On y découvre brièvement les personnages principaux, dont l'innocente Carrie, une jeune isolée et martyrisée par ses camarades de classe. D'apparence fragile et timide, la douce Carrie retient très vite notre attention puisqu'elle est isolée en continue dans cette introduction. Lorsqu'elle est dans le besoin face à des questions sans réponses, la pauvre Carrie ne trouve que des railleries et des remarques violentes à son encontre. En quelques minutes, Brian De Palma nous présente le cadre, les personnages et l'intrigue, sans manquer de nous faire compatir à la violence dont est victime la pauvre Carrie. Très vite, on se rend compte que l'univers de Carrie est fermée et surprotégée par une mère idolâtre jusqu'à la moelle. Ainsi, on fait la connaissance de la mère de Carrie qui est autoritaire et dévouée à la religion au point d'enfermer sa fille dans un placard pour qu'elle face vœu de pénitence. Cette obsession religieuse va, bien entendue, être au cœur de l'intrigue puisque le film oppose la voix traditionnelle de la mère à la volonté émancipatrice de la jeunesse incarnée par Carrie qui semble étouffée par ce cadre familial. Plus le film avance et plus on découvre une Carrie consciente qu'elle n'est pas normale et qu'elle a un don surnaturel qui la protège de toute attaque, le thème de la télékinésie est, ici, maitrisé et très bien utilisé. Alors qu'on croit Carrie enfin adulescente, Brian De Palma nous propose une longue séquence se déroulant dans le Bal de la promo de l'université. Cette séquence clé est célèbre parce que le réalisateur a sut montrer deux ambiances totalement différentes : tout d'abord le côté magique et féérique de la soirée au travers des yeux de Carrie, enfin libre du joug de sa mère et visiblement heureuse ; puis le côté tragique orchestré par une vengeance horrible qui plonge la séquence dans le chaos et le désordre. De Palma arrive à transposer une scène magique en une débâcle totale où Carrie laisse libre court à ses pulsions de haines et de souffrance pour se venger de ceux qui ont osés lui faire du mal. Cette séquence est jouissive car on prend un malin plaisir à voir Carrie se venger dans le sang et les flammes. Alors qu'on pense le film achevé, Brian De Palma nous surprend une nouvelle fois avec une scène marquante entre Carrie et sa mère avant le bouquet final, peut être un poil exagéré vu la monté en puissance du film.
Carrie au Bal du Diable, c'est aussi des acteurs impressionnants. Tout d'abord l'actrice qui joue Carrie, Sissy Spacek, est très attachante dans son rôle. Elle joue très bien le rôle, d'abord timide puis peu à peu sûre d'elle, la douce Carrie va très vite montrer l'étendue de son pouvoir lors de la scène du bal. Elle ne bronche pas et reste incroyablement crédible lors de la scène du massacre du bal. Il en va de même pour Piper Laurie qui interprète la mère de Carrie. Violente, très pieuse voire illuminée, elle est de plus en plus effrayante au fur et à mesure qu'on la voit, même si le rapport de force avec sa fille évolue sans cesse. Les autres acteurs sont très convaincants dans leurs rôles respectifs, on peut citer par exemple Amy Irving qui nous interprète la prof de sport décidée à punir les filles qui osent faire du mal à Carrie. Elle est un peu comme la mère qu'elle n'a jamais eut, celle qui s'occupe d'elle en la protégeant des autres sans pour autant lui interdire de vivre comme elle l'entend.
Carrie au Bal du Diable c'est enfin une réalisation exceptionnelle qui n'a, à ce jour, pas pris une seule ride contrairement au film qui s'approche de sa quarantième bougie. La composition musicale est superbe. Le compositeur Pino Donaggio a su réutiliser à merveille des partitions de piano de violon afin de créer une bande son originale et bourrée de qualité. On retrouve le côté magique et tragique de l'histoire à travers ces morceaux. Enfin, on peut dire que les trucages sont encore très efficace et n'ont point à rougir de leurs années. Bref, il n'y a, pratiquement, rien à reprocher au film de Brian De Palma.
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Les + : l'histoire qui mêle dramatique et horreur, la séquence du bal, les acteurs, la musique, les trucages et effets qui n'ont pas une ride
Les - : final un peu trop exagéré
Loin du génie d'un Scarface, Les Incorruptibles ou L'Impasse, Carrie est une œuvre clé de la carrière de Brian De Palma. Une œuvre incontournable qui montre la cruauté de l'esprit humain, mais aussi la vengeance et tous les méfaits qu'elle contient. Brian De Palma a su filmer une monté en puissance de son œuvre dont l'apogée demeure être la fameuse séquence du bal, véritable brasier où les cris de douleur s'entremêlent avec la puissance dévastatrice de Carrie. L'interprétation royale de Sissy Spacek dans le rôle de la pauvre fille dotée de pouvoir, malgré elle, vaut elle aussi le détour tant on voit les changements de traits sur le personnage. Il est d'autant plus difficile de quitter les yeux du film tant on ne voit pas les ravages du temps sur la bobine. Carrie Au Bal du Diable est une œuvre immense qu'il serait bien dommage de louper. Culte ? Évidemment !