Xavier Giannoli signe le portrait sublimé d’une cantatrice en mal de talents, c’est peu dire, baronne à qui l’on s’abstient hargneusement de vexé en lui avouant les quatre vérités. S’inspirant du parcours véridique d’une diva américaine, le cinéaste ancre son récit dans la France d’entre deux guerres, au croisement des cultures, confrontant vie de château et anarchisme artistique. Marguerite, donc, piaille comme un porc qu’on égorge. Marguerite, pour autant, assure la pérennité financière de son mari, d’un groupement d’aristocrates concupiscents qui ne manque pas de l’applaudir, mesquinement, à chacune de ses désastreuses représentations. Tout cela n’importe finalement peu du fait que la dame chante dans sa stricte sphère privée. Tout bascule lorsque Marguerite s’encanaille d’une nouvelle génération d’artistes et reporters, jeunes contestataires du système établi qui la poussent à se présenter face à un vrai public. Les ennuis commencent, sachant que la chanteuse du dimanche, persuadée de son talent, ira jusqu’au bout. Belle fable, donc, que celle de cette femme se perdant dans une passion qu’elle ne maîtrise pas du tout en compensation d’affectes cruellement absentes.
Le mari, vous l’aurez compris, n’est rien moins que la clef de voute de toute cette drôle d’histoire. Parfois comique, souvent dramatique, le film de Xavier Giannoli s’avère excellent lorsqu’il suit de près les pérégrinations de sa diva ratée, excellente Catherine Frot, actrice aux talents multiples qui signe ici une prestation tout-à-fait honorable. Le film l’est moins, toutefois, lorsqu’il tente l’approche biaisée de l’univers de Marguerite, notamment par l’entremise des jeunes révolutionnaires artistiques, dont on peine à cerner les intentions. Ces personnages-là ne sont ni
Attachants ni captivants, caricatures somme toute assez mesquine de ce qui fît le jeune artiste des années 20. En clair, le film perd de sa superbe dès lors qu’il lâche momentanément le personnage de Marguerite, et dans un sens, celui de son mari. Autre protagoniste indispensable, celui-ci n’est pas mû par la même volonté que les autres, une volonté incertaine, le majordome africain. Aidant scrupuleusement Marguerite à s’épanouir, ce dernier semble pourtant œuvré à faire éclater le plus brutalement possible l’horrible vérité.
Mais que veulent donc tous ces gens, conscients des faiblesses artistiques de la baronne? C’est sans doute là tout l’attrait du long-métrage. Marguerite peut-elle supporter cette vérité? Peut-elle entendre qu’elle chante faux? Là-aussi, une question essentielle. Xavier Giannoli, toutefois, tâchera de ne pas y répondre frontalement, préférant demander audience à son public, lui laissant libre court pour comprendre et disséquer ce curieux drame humain, artistique et parfois poétique. Là où en revanche le cinéaste manque un peu son coup, c’est dans sa collaboration avec son directeur photo. Si les plans proposés sont aussi variés qu’élégants, les jeux de lumière finissent par ennuyer, engonçant le long métrage dans une forme de perfectionnisme à l’hollywoodienne qui ne cadre pas avec la manière libérée de racontée cette histoire. Maniériste, Xavier Giannoli, coté mise en scène, livre un film d’un académisme ronflant parfois bien perturbant.
On salue donc les mérites de Catherine Frot, l’intelligence du scénario, regrettant le maniérisme du metteur en scène et le manque de passion qui définit les interprétions des personnages secondaires, Christa Théret, notamment. Il est toutefois facile de comprendre l’engouement de la critique et des festivaliers lors de la présentation du film, film, soyons franc, bien au-dessus de la moyenne des productions françaises. 13/20