« Marguerite » c’est avant tout Catherine Frot, remarquable de candeur… et de folie latente. C’est un film qui démarre bien, sous le sceau de la comédie, puis peu à peu voire même assez rapidement, la comédie s’associe au drame et le drame finit par être la dominante du film. Ce film est tragique à plus d’un titre : tragique est la voix de Marguerite ; tragique le fait qu’elle soit convaincue de chanter merveilleusement bien alors qu’elle chante horriblement faux ; tragique et à peine acceptable qu’elle ne s’en rendre pas compte ; tragique les membres du cercle qui jouent le jeu de l’hypocrisie ; tragique la honte du mari ; tragique l’impossibilité de lui dire la vérité ; tragique le fait de lui masquer toutes les dépêches où elle est vivement et légitimement critiquée ; tragique l’adultère du mari ; tragique de ne pas comprendre sa femme, de ne pas voir combien elle est seule, livrée à son monde, à sa passion, tout ce que comprend sa maîtresse ; tragique Lucien qui lui fait croire qu’elle chante admirablement bien pour mieux l’exposer aux rires cruels ; tragique sa prestation dans un cabaret avant-gardiste où elle massacre la Marseillaise devant d’anciens combattants ; tragique le majordome, personnage ambigu, mystérieux, lequel protège Marguerite pour mieux l’accompagner à sa perte. « Marguerite » est un film où l’on rit d’un rire embarrassé. Il y a des séquences où il est impossible de ne pas rire d’un rire franc, sincère et spontané. Oui, j’ai ri à certaines réflexions naïves de Marguerite. Comme j’ai ri au visage interloqué et subtilement et magistralement interprété par Michel Fau, son professeur de chant qui découvrait combien c’était inouï de voir Marguerite convaincue de bien chanter. Tous ces rires additionnés s’avèrent, avec le temps, malveillants. Un film qui pourrait vous mettre mal à l’aise. En effet, la force du réalisateur Giannoli est de nous placer au milieu de tous ceux qui maintiennent Marguerite dans l’erreur. Oui, quand le professeur de chant finit par craquer devant tant monstruosité vocale, il va pour tout avouer. Incroyable, je me suis surpris à penser : « Pourvu qu’il ne lui dise pas la vérité ! » Les plans contre champs m’invitent à être le complice du mari, le complice des membres du cercle, de l’entourage de Marguerite.
Il est trop tard pour lui dire la vérité. Tout comme le professeur de chant qui trouvera une autre parade.
Ce qui est limite acceptable, c’est le fait que Marguerite non seulement ne s’entend pas mais n’entend pas ses références comme les chanteuses qui se produisent dans son cercle. Ce qui est tragique enfin, aucune personne n’est sincère. Seul le copain de Lucien Beaumont, Kiryl semblait sincère. Son rire n’était pas une moquerie. Il voyait un délire artistique. Loin des canons classiques. Loin du moule. Marguerite annonçait à ses yeux une nouvelle façon de chanter, elle brisait les codes, elle avait sa propre signature, sa marginalité était son originalité. On disait de Renaud : « Tu chantes faux, mais tu chantes vrai ». C’est vrai aussi pour Marguerite. A voir et à écouter avec distance !