Catherine Frot est de retour, après trois ans d’absence sur les écrans et quatre années passées sans tourner. Et s’accompagner de Xavier Giannoli, réalisateur véritablement prolifique, représente une bonne idée. Car prenez l’histoire d’une femme tellement passionnée par le chant qu’elle souhaite faire partie de son domaine professionnel, prenez une tromperie sur plusieurs échelles et années savamment bien écrite, et vous obtiendrez tout le talent d’une actrice qu’on a laissée cantonnée sur beaucoup trop d’années à de simples comédies répétitives et absolument absurdes. Est exprimé, à travers elle et grâce à une réalisation stylisée avec talent, exaction dans la dimension humaine. Mais il ne suffit pas d’une seule bonne actrice pour pouvoir porter une oeuvre de cette tempe, il faut aussi d’excellents seconds rôles. Alors c’est à ce moment que les deux directeurs de casting (Laguens et Salmanova) ont eu des idées de génie : choisir Marcon et Fau, interprètes trop méconnus mais qui démontrent ici sur plus de deux heures leurs talents. Certains ont cru retrouver en « Marguerite » une comédie, ou tout ce que a fait Frot durant l’année 2012 pour payer ses taxes avant d’en avoir sûrement marre et de monter sur les planches, mais c’est tout le contraire : c’est un drame humaniste maîtrisé, intéressant et savoureux. Giannoli filme avec délicatesse ses personnages, et surtout son héros, rayonnant dans ses costumes divers et la laissant chanter à tue-tête dans ses appartements luxueux. Ce qu’elle vit, jours après jours, fait mal au coeur : toute l’hypocrisie d’une société « noble » dans sa richesse mais aucunement dans son état d’esprit, qui ment sans remords pour mieux être accueillie par la duchesse qui inaugure des spectacles pour toujours une chose : sa passion. Alors oui, il y’a une inégalité dans le rythme, comme lorsque certains passages émeuvent plus que d’autres ou le fait que l’utilisation de chapitres n’est pas assez utile pour ce film en particulier. Encore, dans le « Breaking the Waves » de von Trier, on peut comprendre cette utilisation de plusieurs parties, car c’est pour y montrer une vraie ascension de la femme et de son addiction à son mari, et tous les changements qui y découlent. Ici, c’est plutôt une cause de la baisse du rythme. Mais « Marguerite », autant par sa réalisation inspirée que par ses détails de bon goût (tels les costumes et les décors utilisés puis parfois photographiés) renforcent le sublime d’un instant de grâce musicale. Une bougie étincelante d’émotion, qui scintille dans la nuit et dans le mensonge, telle la danseuse étoile qui s’envole pour rejoindre les cygnes. Frot, semblable à ces derniers, aura le César. Et ce sera mérité.