L’eau douce qui coule dans mes veines
Toutes les nuances du gris. Telle est l’étrange couleur de « l’eau douce qui coule dans mes veines » qui domine, et de loin, puisque son réalisateur, Maxime Kermagoret, a choisi de tourner son film en noir & blanc. Une étrangeté qui n’est qu’apparente, car il a choisi de nous conter une histoire fort éloignée des sentiers battus et rebattus qu’on nous assène bien trop souvent dans le cinéma actuel, lequel pare son inanité de couleurs éclatantes, comme une explosion de vide. Or, ici, nous suivons le quotidien d’une jeune femme dépressive avec tout ce que cela implique au niveau du rythme ou de la crudité de certaines scènes, lesquelles se révèlent entièrement justifiées, quoiqu’en disent certaines mauvaises langues. Et puisque ce sont ces scènes qui font débat, alors qu’elles ne représentent pas l’essentiel, loin de là, de l’histoire, autant commencer par les commenter, afin de pouvoir ensuite se pencher sur le récit proprement dit .En effet là où la majorité choisirait la facilité en éludant les quelques scènes à connotation sexuelle – attention, j’ai bien écrit sexuelles, et non pas pornographiques, pas plus qu’érotiques -, le réalisateur prend le parti de filmer…la réalité, honte à lui ! Et c’est là que le bât blesse les faux puritains qui préfèreraient une idéalisation, ou encore une érotisation, de ces passages, plutôt que la vérité brute. Quand Céline, l’anti-héroïne de cette histoire, se masturbe, elle le fait en pleurant, nous verrons plus tard pourquoi et, pire encore, en temps réel, ce qui semble en avoir choqué beaucoup parmi les spectateurs. Pourtant, tournée différemment, cette séquence ne semblerait plus « trop longue », comme il le lui est beaucoup reproché. Que la jeune femme paraisse excitée, et non malheureuse, que la séquence soit entrelardée d’images fantasmatiques, et hop !, ça passait. Oui, cela aurait passé, mais ç’eut été au détriment de la signification véritable de cette scène, laquelle n’est pas tournée pour les voyeuristes. Ici, il s’agit d’un expédient, et non pas d’un jeu érotique, mais de l’unique moyen que lui laisse l’absence continuelle de son pseudo amant pour obtenir un semblant de satisfaction physique, bien piètre consolation face à la détresse dont attestent ses larmes. Cette scène fait écho à celle du début, où ledit amant, se rhabillant après l’acte, laisse suffisamment comprendre à la jeune femme qu’une fois ce moment d’intimité charnelle -dont elle parle publiquement comme d’un « plan-cul » quand on comprend pertinemment que ce n’est pas là son réel désir – passé, elle le dérange dans son quotidien, peu importe qu’elle ait ou non eu satisfaction, frustration qu’elle tente donc bien piteusement d’atténuer une fois revenue à sa solitude coutumière.
L’autre scène litigieuse prend pour cadre la voiture de ce « galant homme » qu’est Stéphane, à l’intérieur de laquelle Céline lui effectue, visiblement là encore sans y prendre plaisir, une fellation, dont on devine que ce type d’acte, effectué sans envie, mais uniquement pour assouvir les envies de celui qu’elle aime sans oser (se) l’avouer.
A cela s’ajoutent, pour compléter le tableau d’un banal désespoir humain, une amie dont on ne peut dire si elle fait plus de bien que de mal de par sa façon d’agir, ainsi qu’Antoine, un jeune homme rencontré lors d’un stage d’écriture, qui semble espérer une ouverture avec Céline, laquelle y reste sourde, éperdument perdue dans son amour à sens unique.
Ainsi, par petites touches, on prend le sentiment vertigineux de la détresse et de la solitude dans lesquelles se retrouve enfermée une jeune femme dépressive dont on va suivre le quotidien lors d’une semaine qui sous des apparences anodines, se révèlera cruciale, déterminante pour son avenir.
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