Si la notion de l’étrange peut en perturber plus d’un, ce que David Verbeek parvient à mettre en place avant tout, c’est l’accessibilité. Un drame, sans qu’il n’épouse vraiment le motif politique, condamne un militaire à la culpabilité, dont on suivra la gestion de cette crise, jusqu’à trois fois dans l’intrigue. Ces fragments soulignent en quoi une maladresse sur son lieu de travail a un impact moral et physique sur les individus concernés. Et justement, parce qu’à un moment où un autre, ils seront seuls, face à leur âme et face à leurs démons. On joue finalement sur une corde sensible et psychologique, donnant lieu à une plus grande portée introspective. On pense ainsi au « Good Kill » d’Andrew Niccol, qui a préféré livrer son protagoniste à son entourage et son environnement, qu’il transforme en une mission complémentaire.
Le cercle vicieux porte bien son nom et on pourrait le confondre avec le triangle, mais dans tous les cas, on revient à son point de départ avec un certain intérêt. Ivan est homme impuissant et pourtant il constitue l’œil et la main de l’armée américaine, depuis sa cabine de contrôle. Il verrouille ses cibles en une action et les conséquences sont notables, même à distance. Ce n’est pas un thème qui nous est inconnu et de nombreux cinéastes sont passés par là. L’insertion des Etats-Unis en zone de guerre fait parfois débat, depuis « Voyage au bout de l’Enfer » à « American Sniper ». Mais comme on l’a dit, les causes seront placées sous silence, en dépit d’une renaissance intérieure chez le pilote de drone, interprété par Grégoire Colin. Le réalisateur néerlandais nous balade alors, en optant pour la réalité comme point de départ. Il nous présente son sujet principal, qui ne sait puiser dans ses émotions pour exister ou ne sait comment les gérer pour ne pas sombrer dans le traumatisme. Hélas, il en fait les frais.
Pas à l’aise dans le contact humain, on surprend même Ivan à nouer une relation ambiguë avec une strip-teaseuse, dont on restreint la fonction au simple fait de rendre le monde meilleur. Avec ces mots sortis de la bouche du pilote égaré, il n’est donc pas raisonnable de traiter le personnage de Lizzie Brocheré avec autant de distance et de froideur. C’est ce qui se produit inévitablement par la suite, où l’on s’introduit dans l’esprit d’Ivan, mis à nu et forcé de « renaître » selon ses dires, afin que de soulager la peine qu’il endure. Si la métaphore est loin d’être subtile, elle s’avère cependant efficace dans la transition. Le corps d’Ivan n’est plus qu’un outil de survie, mais sa conscience elle, reste encore prisonnière de sa culpabilité, qui prend la forme d’une île, sans repères et entouré d’un océan qui rabat chacune de ses craintes sur lui. Mais il faut qu’il se pardonne et qu’il recherche l’approbation de sa princesse, qui est également quelque part dans les limbes de sa vie. Autrement dit, chacun recherche la paix intérieure. Le dernier acte nous offre une synthèse intéressante et touchante sur la situation des deux protagonistes, qui peuvent enfin se rapprocher à mi-chemin sur segment précédent, à savoir au milieu d’un feu, synonyme d’une vie reprise en main.
« Full Contact » fait bien le tour de son sujet, en lissant sa narration et son esthétique froide. Il prolonge également ses plans, qui appuient la réflexion que le héros se donne et redoute à la fois. Les lieux de rencontres sont significatifs, car la quête de stabilité balise son évolution au fur et à mesure qu’Ivan gagne en humanité. Le portrait est, en somme, très intéressant à étudier, mais ne parvient pas toujours à impliquer les émotions du spectateur dans son récit épidermique.