Ce que j'aime être surpris de la sorte avec des films, notamment lorsqu'il s'agit de premier métrage de jeunes réalisateurs qui n'ont pas peur du tout d'oser jouer la carte du politiquement incorrect. Toute première incursion dans la planète cinéma du jeune Jimmy Weber, "Eat" commence très fraîchement par un générique très « girly » qui laisse présager la tranche de vie féminine la plus banale qui soit; et ce n'est pas la suite qui pourrait nous faire penser le contraire. On nous présente alors Novella McClure, une jeune comédienne trentenaire parmi tant d'autre qui ne rêve que d'une seule chose : percer à Hollywood. Malheureusement pour elle, rien ne va : elle n’a pas décroché un seul rôle potable depuis trois ans, elle commence à vieillir vis-à-vis des jeunettes qui arrivent sur le marché et son nom à consonance de pseudo d'actrice porno ainsi que son style « rose Barbie blonde peroxydée » n'arrange en rien ses affaires. Rajoutons à cela un compte en banque s'affichant débiteur depuis que toutes ses économies ont fondues, des loyers impayés qui s'accumulent, une vie amoureuse proche du néant et des moments de détentes pathétiques...bref, voilà ce que l'on appeler sans détournement une belle vie de merxxx ! Et comme pas mal de personnes dans le monde, notre héroïne a la bien mauvaise habitude de se rogner les ongles et la peau autour des doigts lorsqu'elle stresse grandement. Et c'est à partir de ce petit détail que le film va basculer en nous proposant un traitement aussi inattendu et original que radical et malsain : notre jolie blonde ne va malheureusement pas se contenter de simplement se mordiller le bout des doigts et va carrément sombrer dans l'anthropophagie la plus primale. Voilà donc une jolie façon de faire de l'horreur originale en ancrant cette dernière dans la réalité et en poussant à l'extrême une chose fréquente et quasiment insignifiante en temps normal...et je ne vous cache pas que ce film a réussi un bien joli exploit car il y avait longtemps que je n'avais pas été aussi retourné par des scènes aussi trashs : non content de jouer la carte du gore écœurant, les scènes de « dégustation » sont aussi réalisées de façon déconcertante en utilisant un effet sonore violent très strident ainsi qu'un montage chronologique brisé, cela ayant pour force d'accentuer leur ignominie et de nous provoquer un malaise prononcé...du très bon boulot : je vous jure que plus jamais je ne pourrais m'attaquer à mes doigts sans penser à "Eat" !! Alors certes, c'est bien craspec, mais il ne faut pas oublier le thème principal du film : le mal-être et la déchéance personnelle, car oui, avant d'être un film d'horreur, "Eat" est avant tout un drame social touchant car on peut comprendre et partager le malaise profond de la jeune femme, on espère même que ce dernier finira par disparaître car on croit toujours que tout peut s'arranger...
mais avec un certain nihilisme presque pudique, Jimmy Weber va nous achever avec un final rempli de désespoir.
"Eat" est donc une belle petite surprise pour un film indépendant : il qui parvient à se démarquer du lot car il parvient habilement à contourner le traditionnel genre du « film de cannibales » en proposant une histoire capable à la fois de vous retourner l'estomac tout en vous chamboulant par son côté dramatique. Porté à bout de bras par son actrice principale (le visionnage du film vaut le coup rien que pour la prestation impressionnante de Meggie Maddock !) et bien desservi par le talent de son jeune réalisateur, il est l’exemple parfait qu’avec peu de moyens mais avec de bonnes idées, on peut toujours se débrouiller pour accoucher d’un résultat plus qu’honnête. Monsieur Jimmy Weber, vous êtes prometteur et il va de soi que je vais m’intéresser avec minutie à la suite de votre carrière.