Avec JULIETA, Pedro Almodovar a adapté trois nouvelles d'Alice Munro dans une approche qu'il avoue assez fidèle, alors que pour ses précédents films, ses lectures avaient servi de simples inspirations. De fait, l'esprit du cinéaste, s'il est là, perd cependant à la fois sa folie inventive comme son humour, ici complètement évacué. Ça donne un film en demi-teinte: grave, austère, relativement mystérieux, magnétique, progressivement tragique, au rendu vif, souvent magnifique, mais aussi plutôt lourd, dénué d'humour, faussement alambiqué, pudique, dans un style posé et paradoxalement confus qui vire a la série de luxe, inachevée et frustrante. On en sort en effet avec la fâcheuse impression qu'il manque des pièces au puzzle ou un chapitre au roman, abruptement refermé. Après avoir hésité sur l'identité du climax, l'intrigue annoncée -celle qui a été mise en avant par le synopsis ou les présentations médias-, peine à arriver; elle vient à vrai dire bien tardivement, trop pour traiter le sujet, ce qui finit par nous laisser en rade, en pleine route... Ce choix regrettable se trouve compensé par un travail esthétique et graphique particulièrement séduisant, bien souvent splendide (couleurs, costumes, décor, teintes, lumière, œuvres d'art et, bien sûr, maquillage... la transition entre Adriana Ugarte et Emma Suarez reste tout de même bluffante), le tout soutenu par une musique discrète et délicate, sans parler du jeu des acteurs, sensiblement juste (toutefois Antia enfant peine à convaincre). Quoiqu'il en soit, on aurait bien voulu le prolongement ne serait-ce que de cinq-dix minutes du film, au lieu de devoir imaginer une suite à partir d'éléments rapidement récoltés...
Antia, qui selon son amie est devenue une fanatique, aurait donc rejoint un secte paranoïaque, mais on n'en sait pas plus
Mystère dans le mystère; on peut imaginer la suite... Le cinéaste a semble-t-il préféré éviter l'audace d'une création scénaristique plus personnelle (encore qu'il soutient que l'histoire passe par le filtre de son soi profond, qu'il met toujours de lui-même), préférant suivre plutôt sagement un récit déjà écrit, apte à l'inspirer et calibré pour Cannes. Petite forme, manque d'audace ou d'inspiration, quoiqu'il en soit, le génie d'avant n'est plus guère perceptible dans cette transposition si ce n'est par des choix purement formels. Le film aurait tout de même dû être allongé et allégé dans sa première partie, histoire d'éviter une certain ennui. L'ensemble est beau mais bancal, sans ligne franchement directrice, donc moyen. JULIETA souffre en fin de compte d'un manque d'ampleur, ce qui n'enlève rien à ses évidentes et hautes qualités formelles mais rend l'objet bien triste.