Les derniers films d'Almódovar ont été objets de plusieurs remarques, certaines justifiées, d'autres un peu moins. Avant de voir Julieta j'avais lu des critiques comme quoi le film était trop conventionnel, et que Pedro décidait, encore une fois, de parcourir un chemin à lui connu, sans le courage d'autrefois. De quoi se demander quel film ces critiques ont vu. Mis à part (façon de parler) la magnificence formelle et l'extraordinaire direction des acteurs, ce film est tellement à l'opposé de ce que son auteur faisait il y a 20 ans qu'on a presque l'impression d'être face à une sorte de Doppelgänger de "Tout sur ma mère": où, dans ce dernier, le moteur des rapports humains était sous le signe de la solidarité, de l'amour et de la compassion, dans Julieta il y a rien de tout cela: la proverbiale "sympathie entre femme" du cinéma Almodorovian est devenu égoïsme, possession, infantilisme, même nihilisme, mais malgré cela, pas dépourvu d'une forme d'amour, sincère certes, mais pas moins étouffante. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que Pedro remet en discussion ses propres clichés, il suffit de regarder comment il a décrit les vieux personnages de la movida, zombies d'un monde qui n'existe plus et qui vaguent perdus dans "Les amants passagers". On peut aimer ou pas "Julieta", on peut le trouver trop sobre ou pas assez, on peut trouver que cela manque en transsexuels et Bonne sœurs nymphomanes. En ce qui me concerne, j'ai trouvé dans ce film ce qui j'avais du mal à trouver dans "Tout sur ma mère": la sincérité (et oui, je fais partie de l'1% de fans de Pedro qui n'a pas surkiffé ce film). Sinon, côté formel etc etc, il n'y a pas de doutes: Almodóvar a retrouvé son esprit, le film est une merveille pour les yeux.