Enfin, Almodovar est de retour ! On l'avait un peu perdu ces dernières années avec ses œuvres étranges, peu inspirées comme "Les amants passagers", "La piel que habito" ou "Etreintes brisées". Il nous revient au mieux de sa carrière, retrouvant le génie suave et délicat de "Tout sur ma mère", "Parle avec elle", "La mauvaise éducation" ou "Volver". Le réalisateur choisit la pudeur et la sobriété pour filmer cette femme, Julieta, qui se raconte à travers une lettre pour sa fille, disparue mystérieusement de sa vie. Certes, Almodovar ne peut pas s'empêcher de peupler son image de gros plans de tissus, de statuettes, de pans de fenêtres, rappelant les talons qui déambulent dans la rue de son magnifique "Talon Aiguille". Il filme Madrid avec l'amour qu'on lui connaît, la mer comme immergée dans une maison, et surtout le visage de ces femmes, au plus près de leur solitude et de leur douleur. On reconnaît la musique d'Alberto Eglesias, à la fois pesante et légère, qui accompagne la plongée désespérément mélancolique des personnages féminins. On reconnaît sa patte des dialogues, les faillites du désir, l'obsession de la mort, et l'ambiguïté des genres et des attirances sexuelles. Bref, Almodovar fait du véritable Almodovar. Il a apuré la photographie, il n'en rajoute pas à l'hystérie et la désespérance de ses héroïnes. Il se contente de filmer Julieta, qui est tout à la fois la fille, l'amante, l'épouse, la mère et la femme abandonnée ou trompée. Il la regarde s'émerveiller, pleurer, se confier, et finalement, plus qu'un film, "Julieta" devient une sorte de grand portrait pictural d'une mère passionnée et meurtrie, dévouée et perdue, une sorte de monstre de beauté et de tristesse.