Dès le 1er plan de "Mauvais sang", on sent qu’on va s’ennuyer. Contrairement à ce que pourrait nous laisser imaginer le résumé du film, "Mauvais sang" n’est pas un polar noir sous forme de parabole futuriste sur le SIDA. Cet aspect-là du scénario n’est que très vaguement abordé, ce qui n’est pas forcément un mal. Mais alors, de quoi nous parle "Mauvais sang"? De pas grand-chose. Le film tend plutôt vers le film d’ambiance, cette ambiance de romantisme désespéré qui donne au métrage ce gentil petit charme désuet des années 80. Si le film pouvait peut-être fasciner une frange d’ados qui, entre "Terminator" et "Subway", voulait se donner une certaine posture intello-auteuriste, "Mauvais sang" ne garde aujourd’hui plus guère d’intérêt. Carax s’y essaie au cinéma, filme une succession de scènes inintéressantes comme autant "d’idées" avec lesquelles il tente de composer un film: les petits tours de passe-passe de Lavant, le visage angélique de Binoche, une course sur les trottoirs sur fond de musique rock, et beaucoup de dialogues rébarbatifs sur les difficultés d’aimer, les dures conditions de vie dans les prisons, etc, etc, etc… Carax, qui découvre ici le cinéma, varie aussi les supports, sans raison apparente, filmant certaines séquences en noir et blanc. Il joue parfois de l’accélération, surtout quand les personnages courent (sacrée trouvaille!), et fait quelques coupures sèches au milieu des longs échanges verbaux, comme pour réveiller notre attention. En résumé, il fait mumuse, et tout le film apparaît comme un vaste prétexte pour se servir d’une caméra. Pour se consoler, on se rappelle un autre film, réussi celui-là, "Trois jours" de Sharunas Bartas. Et on comprend mieux pourquoi Carax aime tant le cinéaste lituanien: celui-ci a fait une œuvre d’art sur la misère et l’errance, là où lui n’a fait que jouer au poète torturé, ne parvenant en réalité jamais à dépasser le stade de la posture "no future" que se donnent parfois les ados vaguement neurasthéniques.