Je poursuis mes investigations dans le cinéma de Leos Carax, réalisateur semble-t-il porté aux nues par beaucoup, mais dont je trouve, malheureusement, qu’il gâche bien trop son talent sous des prétentions auteurisantes parfois risibles.
Mauvais sang séduit plutôt dans sa première partie. Si le rythme lent (et qui devient très lent sur 2 heures), les dialogues débités de façon trop artificielle (mais pour faire auteurisant justement !), et le jeu des acteurs forcés pourra agacer, néanmoins Carax arrive à donner un style à son film, c’est indéniable. Comme pour Boy meets Girl, je ne peux pas nier le talent du réalisateur pour s’emparer de ses décors, créer des ambiances singulières avec une mise en scène audacieuse, un peu trop « tiquée » d’effets de style aux prétentions expérimentales manifestes, mais tout de même très imaginatives et souvent pertinentes. Le visuel est d’ailleurs, avec le sonore, ce qui sauve ce Mauvais sang, puisque si l’image est très belle (cependant les couleurs froides pour rendre l’atmosphère caniculaire c’est un peu contradictoire), la bande son est magnifique, et c’est l’atout maître de ce film, laquelle évite aussi parfois l’assoupissement du spectateur !
Car oui, Mauvais sang a sinon des défauts certains. Le scénario est très mal dégrossi. Sorte de mélange des genres que nous propose Carax, on ne s’y retrouve malheureusement pas. Le début est bon, le réalisateur pose les enjeux, et puis ensuite ça s’enlise, mais vraiment pendant beaucoup trop longtemps, jusqu’à la fin. C’est mou, on s’éloigne tellement de l’intrigue policière que dès qu’on y revient on a le sentiment d’assister à un autre film, la soi-disant mention du SIDA est tellement ténue qu’elle n’a pas d’intérêt, et alors la romance n’a rien de substantiel à proposer. On s’en désintéresse très vite, même si épisodiquement le réalisateur par la force de sa mise en scène parvient à transmettre quelques sentiments.
Le casting est bon sur le papier, mais Carax ne sait pas écrire ses personnages. Parfois en léger surjeu, les acteurs sont surtout dotés de personnages lourds, empesés, peu passionnants, particulièrement Juliette Binoche, sorte d’autiste mutique au début, et Denis Lavant, dont la versatilité est telle qu’il en perd toute consistance. Reste Michel Piccoli, très correct et sobre dans son rôle, une Julie Delpy charmante mais sans grand relief puisqu’elle apparaît peu, et quelques seconds rôles parfois sympathiques, Carroll Brooks livrant par exemple une belle prestation, mais mal intégrée au film.
Finalement, comme dans Boy meets Girl, Carax parvient à tirer des moments de grâce de son film, car il a un talent manifeste de plasticien. Il a le sens de l’image, c’est un fait. Mais alors, c’est un narrateur très maladroit, et décidément peu à l’aise pour l’écriture. Mon esprit retiendra quelques scènes mémorables, mais pas davantage. 2.