Christophe Honoré a pris à bras le corps l’adaptation d’un roman pour enfants étrangement délaissé par le cinéma depuis bien longtemps ! Et il rend une copie très convaincante aux yeux de l’ancienne jeune lectrice que je suis. Il a tout d’abord, et c’est bien le minimum, soigné son casting que ce soit côté enfants comme côté adultes. Les adultes, commençons par eux, sont irréprochables à commencer par Golshifteh Farahani et la délicieuse Anaïs Demoustier respectivement en Mme de Réan et Mme de Fleurville. Et puis, il y a Muriel Robin, qui incarne avec une gourmandise teinté de cruauté (les rôles de méchants ne sont ils pas les plus intéressants à incarner ?) la revêche Mme Fichini, onctueuse en apparence, abominable de froideur en privé. Elle en fait des tonnes dans ce rôle, on lui pardonne… Du côté des enfants, c’est évidemment la toute jeune Caroline Grant dans le rôle titre qui impressionne par son naturel, son petit minois et son abattage, cette petite fille porte quasiment le film sur ses toutes petites épaules, les autres finissant par lui servir presque de faire-valoir ! La réalisation de Christophe Honoré (dont je reconnais que je connais mal la filmographie) est pleine de bonnes idées comme l’utilisation d’une musique moderne sur des images d’époque (et ça fonctionne très bien) ou l’incursion d’images animées pour quelques animaux « victimes » de Sophie. Est-ce par clin d’œil à l’enfance ou parce que les hérissons et autre écureuils sont difficiles à apprivoiser ? Au fond qu’importe, cela apporte au film une touche enfantine pleine de fraicheur. Il a d’autres bonnes idées, comme celle de faire en sorte que certains de ses personnages s’adressent directement au spectateur ou bien encore, dans sa façon pudique de filmer le naufrage de la famille de Réan, en se servant de peinture. Son générique de début est empreint de classicisme alors que son générique de fin est inventif et malin, il crée ainsi un contraste amusant. Mais, parce qu’il y a un mais, il y a une chose que je ne comprends pas dans les « Malheurs de Sophie » tel qu’il a été projeté dans la salle de cinéma : le film est recadré en forme de carré ! Je m’explique, d’habitude le film occupe tout l’écran rectangulaire d’un grand écran de cinéma, du 16/9ème ultra amélioré en quelque sorte. Et bien là, le film tient dans un carré au centre de ce grand écran, de sorte que 50% de cet écran est noir est inutilisé de chaque côté ! Mais bon sang, mais pourquoi ??? A part à donner au film une tonalité « vieux téléfilm du temps des écrans cathodiques », je ne vois pas l’intérêt de cette étrange démarche. C’est bien la première fois que je vois un gâchis pareil ! C’est le seul bémol que je ferais sur la forme du film, mais il est de taille, sans mauvais jeu de mot. Côté scénario, « Les Malheurs de Sophie » a réveillé tous les souvenirs endormis que j’avais de cette jolie histoire, je me suis souvenu de tout : les poissons, la poupée, les ciseaux en or, l’accident de calèche, le thé avec l’eau de la gamelle du chien, la petite Marguerite de Rosbourg qui lui servira presque de souffre douleur, le cousin Paul, tout y est… L’histoire est charmante, les dialogues délicieusement surannés, tous ces petits enfants pétris de bonnes manière et de politesse, ça pourrait presque passer pour de la science fiction aux yeux du jeune public. C’est évidement cousu de fil blanc et pétri de bonnes intentions mais c’est un roman pour jeunes enfants, c’est logique et ça ne fait pas de mal de temps en temps. Le thème du film comme des livres, à savoir l’éducation des enfants, donne à Christophe Honoré l’occasion de rappeler quelques évidences comme l’inefficacité des châtiments corporels, ou que les enfants ne sont cruels que par ignorance et non par nature, ça non plus ça ne peut pas faire de mal que de le redire parfois.