J’ai compris une chose devant ce film, c’est lorsque le personnage de Paul, allongé sur un canapé lit Emile ou de l’éducation de Rousseau. Cette référence était si belle, si limpide, si explicite. En effet, dans l’Emile, Rousseau explique comment éduquer ce garçon prénommé Émile mais il parle également d’une certaine Sophie, qui est destinée à l’épouser mais qui est complètement ingérable…
C’est bien le débat, comment éduquer son enfant et plus précisément sa fille ? Il y a beaucoup de personnes qui pensent savoir comment faire mais il y en a surtout beaucoup qui font très mal. A commencer par Rousseau d’ailleurs !
Mais il ne s’agit pas que de cela. Ce film de Christophe Honoré est tout de même avant tout tourné vers les très petits mais les adultes ne devraient pas s’en détourner. En effet, pendant toute la première partie du film, Sophie en fait voir de toutes les couleurs à sa mère. Tout y passe, vol, mensonge, délation, insolence. Beaucoup de spectateurs ne supporteront pas cette petite diablesse, l’envie de lui mettre une petite claque en effleurera d’autre, et pourtant, sa mère reste humaine et se refuse à lui infliger de tels châtiments. L’actrice qui joue Sophie est par ailleurs excellente et a une présence vraiment folle à l’écran. Mme de Réan est campée par une Golshifteh Farahani sublime dont je souligne le jeu tout en douceur devant cette enfant. On ne doute pas un instant que ce soit une mère.
La deuxième partie du film est plus intéressante, avec Mme Fichini, la fameuse belle-mère qui m’a un peu beaucoup traumatisé dans le dessin animé culte, Les Malheurs de Sophie. Elle est campée par une Murielle Robin non moins excellente. Ce personnage est un peu le reflet du spectateur. Il n’est jamais dupe des manigances de Sophie et n’hésite jamais à la punir. Toutefois, là où elle diverge avec le spectateur, c’est qu’elle pense Sophie animée de mauvaise intentions, voire même fausse et perverse. Ce personnage permet de réhabiliter Sophie qui se montre alors sous son meilleur jour, digne, fier et qui ne se laisse jamais abattre. Pas la moindre ironie dans ses propos, plus d’insolence, juste une fierté à toute épreuve et enfin, de l’innocence.
Eduquer un enfant, c’est avant tout le canaliser, lui montrer qu’il n’est pas le centre du monde, cela prend beaucoup de temps. L’apport de la mère est fondamental mais pas que. Ce film sur ce point a un propos très intéressant.
J’ajouterai que la musique d’Alex Baupin est magnifique. Que la photographie est belle, que les décors et costumes retranscrivent bien l’époque. Toutefois, au niveau des émotions, ce film ne va pas suffisamment loin, on en ressort assez peu touché au final et c’est bien dommage. Les personnages qui prennent le spectateur en aparté, j’ai également trouvé cela lourd. On sent que la cible était vraiment les tout petits !