De la magie, un parfum d’Asie, un héros borgne assisté d’une guenon blanche et d’un samouraï-scarabée, des origamis enchantés, une bande-son au shamisen : mes bottes ont frétillé jusqu’au bout des lacets en entendant parler de ce film. Certes, la bande-annonce ne m’avait pas tout à fait convaincue. J’avoue en avoir imputé la faute à la VF, dont je me disais qu’elle faisait tomber l’humour du film à plat.
« If you must blink, do it now.* »
De fait. L’ouverture de la première scène plonge d’emblée le spectateur dans une ambiance à faire papillonner les yeux : une petite barque, frêle, avec à son bord une jeune femme en kimono, oscillant sur une mer en pleine tempête. Lorsqu’une vague gigantesque s’élève devant elle, elle la fend en deux, par un geste de la main sur les cordes de son shamisen. Ça ne l’empêchera toutefois pas d’échouer sur une île, non sans s’être brutalement cogné la tête sur un récif – de cet épisode, elle gardera une longue cicatrice sur le visage. Mais sur la plage trempée, elle rampe malgré tout jusqu’à un amas de tissu dans lequel crie un bébé…Auquel il manque manifestement un œil.
C’est dit : ce film n’a pas peur de blesser ses héros, ni de leur faire mal.
Et pendant toute l’introduction qui suit; à savoir, l’exploration du quotidien de cet enfant, Kubo, devenu plus grand; se divise entre l’amertume, la beauté, et le rêve. Il partage avec sa mère ce don de magie, et cette passion pour les contes qu’ils inventent. Mais ce moment intense n’a lieu que durant une brève période de la journée: le reste du temps, elle sait à peine qui il est. Elle ne se souvient de rien, pas même de la manière dont il a perdu cet œil. Elle ne peut même pas manger toute seule. Il va faire danser ses origamis au son du shamisen pour raconter ses histoires au village, dont tous les membres l’adorent. Mais il ne peut jamais rester après le coucher du soleil – pour une raison qu’il ne semble pas avoir très bien saisie, lui-même. Entre délicatesse et tristesse, entre douceur et pincement dans la poitrine. La silhouette du folklore japonais s’étend derrière le récit de la mère qui explique à Kubo pourquoi il doit rester caché du Roi-Lune – son grand-père – et de ses tantes. A ce stade, on peut définitivement s’attendre à un film qui brise la recette du « joli conte de fées ». Un conte à l’ancienne, qui fait grincer des dents. Sans cesser d’être magnifique.
Et il n’en sera absolument rien.
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