Le film déjanté, loufoque, complètement barré : un genre très délicat à pratiquer et qui, en général, réussit plutôt mal au cinéma français. Le plus souvent, la frilosité du réalisateur donne un résultat inabouti : pas assez déjanté pour quitter une fois pour toute le monde du réel et atterrir pour de bon dans le non-sens pur et dur, mais trop déjanté pour être crédible. De plus, les limites acceptables dans la loufoquerie varient d’un spectateur à l’autre et le réalisateur doit sans cesse se demander : jusqu’où est-il possible d’aller sans m’aliéner une partie importante du public. En 6 mois, l’année 2016 aura donné l’occasion à 3 réalisateurs français de montrer leur savoir faire dans ce domaine auprès du public, mais le genre est tellement délicat que les jugements des spectateurs ont toutes les chances, très souvent, de se croiser : untel n’aura pas cessé de rire devant un de ces 3 films et se sera ennuyé devant un autre, son voisin ayant vécu le contraire de son côté. Seules certitudes à l’instant présent : "Gaz de France", de Benoît Forgeard, a reçu globalement un jugement mitigé de la part des critiques et de la part des spectateurs ; "Ma Loute", de Bruno Dumont, a reçu un accueil plutôt enthousiaste de la part des critiques, enthousiasme loin d’être partagé par la plus grande partie du public. Et si c’était le petit dernier de ce trio, "La Loi de la jungle", d’Antonin Peretjatko, qui arrivait à réunir (presque) tous les suffrages ! En effet, après "La Fille du 14 juillet" un premier film sympathique mais inégal, Antonin Peretjatko enclenche la surmultipliée avec "La Loi de la jungle", un film jouissif, complètement déjanté, un film qui fonce à bride abattue mais que son réalisateur arrive à maîtriser du début jusqu’à la fin. Certes, il est certain que ce film laissera quelques spectateurs sur le bord de la route mais on peut espérer que, face à la morosité actuelle, nombreux seront celles et ceux qui viendront se soigner avec ce tourbillon tout à la fois loufoque et sérieux.