Youpiii ! La jolie Mae est toute contente d'avoir enfin décroché un poste de rêve ! On peut la comprendre, sa vie n'est pas terrible vu qu'on nous la présente en 3-4 scènes succintes : en gros, ça se résume entre une obsession inexplicable pour le kayak, un job filmé en couleurs verdâtres (ça veut vraisemblablement dire qu'il est nul), un père souffrant d'une sclérose en plaques et un amour d'enfance qui ferait de mieux de prendre une bonne douche plutôt que de construire des lustres en bois de cerf (aucun besoin d'appuyer là-dessus, ça se suffit).
Ni une, ni deux, en passant le plus long coup de fil de l'Histoire à l'amie qui lui a obtenu le poste (le montage en ce sens est fa-bu-leux), Mae saute dans sa voiture et file au Cercle, une sorte de Google-like dont les infrastructures sont un immense cercle insulaire (ben oui, si c'était un losange en même temps...). Là-bas, elle travaillera au service-clients pour répondre aux questions des usagers afin d'obtenir un bon taux de satisfaction de leur part, rien de bien méchant. Surtout que la vie dans le Cercle est encore bien mieux que la pire vision fantasmée du Googleplex : fêtes tous les soirs, concerts de stars (Beck a besoin d'argent visiblement), tous les loisirs et sports imaginables disponibles, ... Le Cercle, c'est le rêve, quoi !
Mais non en fait. Il y a bien entendu le revers de la médaille parce que c'est comme ça, on est dans un film qui se veut être une sorte de thriller d'anticipation dénonciateur donc forcément...
Ne possédant apparemment pas assez de neurones pour avoir l'idée de lire son contrat de travail, Mae va s'étonner tout le temps (ça se voit, elle ouvre grand la bouche) que l'entreprise fasse n'importe quoi de ses données personnelles ou lui fasse ingérer des micro-puces sans son consentement préalable. Et puis, il y a ce conditionnement qui fait que les employés (n'ayant rien d'autre à faire) se passionnent pour la vie de chacun de leurs pairs jusqu'à en connaître tous les contours par coeur et s'obligent à tout déballer en permanence sur le réseau social de l'entreprise.
Plus largement, le Cercle est aussi une version encore plus dégénérée que Google, une quasi-secte dirigée par un gourou interprété par Tom Hanks dont la nouvelle création ultime, une caméra-bidule-bille à reconnaissance faciale et plein d'autres trucs, est susceptible de mettre la notion de vie privée dans le dépotoir le plus proche...
La seule qualité de "The Circle" que l'on retiendra est de poser parfois de bonnes questions, la naissance d'une démocratie où la transparence atteindrait un degré total notamment. Pour le reste, le film de James Ponsoldt est une catastrophe visant aussi un certain degré total.
En fait, Mae est le personnage principal le plus scénaristiquement idiot et invraisemblable que l'on ait vu depuis très longtemps, ses changements de points de vue sur son environnement professionnel tiennent tout simplement de la farce la plus grotesque. La pauvre petite devient toute triste et commence à douter des bonnes intentions du Cercle, hop, un accident de kayak sous les étoiles (nomination instantanée à la scène la plus ubuesque de tous les temps) la décide du jour au lendemain à accepter de se faire filmer en permanence pour être regardée par la planète entière. À moins que vous soyez fâchés avec la notion de cause à effet, avouez qu'on a connu des décisions plus réfléchies... Mais ce n'est pas tout, alors que l'on est déjà atteré de suivre les aventures d'une cruche illuminée, "The Circle" s'enfonce dans une cascade de facilités aberrantes !
On ne va pas toutes les énumérer mais le love interest de Mae à l'identité bien pratique qui choisit de lui dévoiler des infos hyper-secrètes sans raison alors qu'elle n'est qu'une employée de bureau, le personnage de la pauvre Karen Gillan dont l'apparence physique s'adapte mystérieusement à son état émotionnel (bien = toute pimpante avec cheveux ondulés, pas bien = grosses cernes avec cheveux raides et sales, apaisée = pas de maquillage avec cheveux propres volant au vent) et le fait que tout ce petit monde trouve toujours le moyen d'aller dans des endroits sécurisés alors que le complexe est censé être protégé et filmé de partout en sont sans doute les meilleurs exemples.
Le pompon sera atteint lorsqu'enfin Mae ouvrira les yeux sur le Cercle et que le film nous demandera d'applaudir à tout rompre sur sa révolte. Ben non, désolé, ma petite Mae, tu t'es comportée comme la reine des gourdes les trois quarts du temps, on n'a absolument aucune empathie pour tes ennuis et c'est bien la moindre des choses de tenter de réparer toutes tes âneries ! Au moins tu auras fait quelque chose d'intelligent dans un film qui, lui, en est totalement dénué.
À la vue du générique de fin, hormis le fait de pousser un énorme soupir de soulagement, une question reste dans toutes les têtes : qu'est venu faire un tel casting dans une galère pareille ?