Internet est un univers indomptable et instable, dira-t-on. Hélas, la vérité est ailleurs et pour la plupart, nous en avons déjà conscience. Une piqure de rappel serait bien judicieuse, afin de porter le message à toutes générations qui subsistent encore. Il n’est pas nécessaire d’en faire partir pour devenir utilisateur et c’est ce que l’on nous tend à nous démontrer. Adapté du roman éponyme de Dave Eggers, le film s’engage dans une analyse d’anticipation intéressante. Toutefois, la réalisation de James Ponsoldt peine à convaincre, notamment due à une mise en scène poussive et peu subtile.
On se laisse rapidement plonger dans la beauté et sensibilité de « The Circle », institution synonyme de service, de développement et d’innovation. Mae Holland (Emma Watson) fait alors son apparition comme personne lambda, rêveuse et avide d’ambition, comme de réussite. Qui ne partagerait pas les mêmes motivations ? C’est à alors que nous sommes en droit de nous demander en quoi un poste chez le grand manitou est bénéfique. Reflet même de la transparence qui frappe chacun d’entre nous qui ne sait pas se tenir, la société programme une technologie qui efface techniquement le mot « secret » de toutes les bases de données. Basé sur les valeurs du Big Brother, The Circle est présidé par le charismatique Eamon Bailey (Tom Hanks). En pole position dans la cravate du génie de Apple ou encore le fabuleux de Facebook, il illustre ce parfait visionnaire plein de bonnes intentions. Il capte par le discours, ces mots, ces idées qui possèdent toutefois des failles que l’on ne peut inclure dans une série de codes informatiques : l’humain.
Chacun possède des droits privés et l’auteur les défend pleinement. Si l’exercice rappelle ce que certains films ou séries récents, comme « Snowden », « Nerve », « Black Mirror » ou « Mr. Robot » pour ne citer qu’eux, on ne fait que la moitié du chemin aux côtés de Mae. On s’attendait à voir thriller psychologique, mais les sentiments, les émotions sortent rarement de l’écran pour nous parvenir au cœur. La piste de réflexion derrière est redondant et c’est bien dommage. En camouflant l’ascension des principaux concernés (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, LinkedIn, Twitter, etc.), on évite de trop illustrer les faits. Linéaire et mécanique de bout en bout, la morale est plate. On fait l’effort de nous communiquer l’impact international de la chose, ce qui soulève de nombreux débats et c’est bien ce qu’il faut. Et voilà le schéma : Mae devient transparente aux yeux du monde, jusqu’à titiller la frontière du privé, un drame survient mais sans saveur. Cette inefficacité est à noter, car l’intrigue est pourtant riche en argument sur ce thème d’actualité. La partage à outrance, la manipulation des réseaux sociaux et la surveillance… tous ces sujets intéressent au final, on ne nous apprend pas grand-chose.
Et pour finir, ce dénouement que l’on attendait est une chute à la fois la morale et la mise en scène. Concrètement, il ne fonctionne pas car nous avions déjà trouvé les réponses beaucoup plus tôt. Le fait que Mea relance le débat n’amplifie pas la tension, bien au contraire. Elle la vulgarise, la banalise et on n’y voit aucun intérêt à cela. Si le film se montre maladroit par rapport au roman, c’est pour dénoncer dans la « tendresse ». Et pourquoi donc ? Si la véritable cible est l’aspect comportemental compulsif sur les réseaux, pourquoi ne pas camper sur ces bases solides qui feraient sombrer l’héroïne dans sa foi aveugle en l’avenir. Ironie du sort, nous y sommes déjà dans cet avenir dystopique que l’on dénonce.
En somme, on reconnait vivement la démarche de « The Circle » à travers les multinationales du virtuel. La pression sur les employés est dictée par des chiffres, le challenge permanent qui éveille soit le génie, soit la folie et parfois même les deux, cas ici présent. Mais encore faut-il savoir imposer son style sur le support qu’est le grand écran, une des premières sources de manipulation de masse que beaucoup subissent sans s’en rendre compte. C’est pourquoi le recul est l’ordre du jour dans ce film qui gâche son potentiel et échange un éventuel succès par la prestation moyenne de sa star trop monotone. En passant par la comédie « The Spectacular Now » et le drame « End of the Tour », il y avait de quoi réussite un retour en force avec un scénario riche et instructif. Mais ni le réalisateur ni sa plume aura raison d’impact dans un débat, au final stérile.