Comme dit Mozinor, c'est un échec. Par défaut, le "modernité-sceptique" que je suis accueille favorablement tout film critiquant l'omnipotence des réseaux sociaux, dont l'idée de partage, à la base positive, génère au final de dangereuses dérives comme une obsession de la transparence, une psychologie de meute, un mimétisme aliénant et un climat de délation évoquant une version "fresh and cool" de 1984. De ce point de vue, The Circle est parsemé d'éléments intéressants, comme l'idée qu'avec la transparence, "les tyrans ne pourraient plus se cacher" (la vérité étant que PERSONNE ne pourrait plus se cacher), l'idée que TOUT savoir c'est génial (la vérité étant que l'impossibilité de TOUT savoir conduirait à une fuite en avant totalitaire), l'idée d'assimiler son compte Circle (sorte de fusion de Google et FB) à son identité administrative pour des raisons "pratiques" (pas de raison de ne pas !), l'assimilation du savoir à un droit de l'homme (qui a bon dos...), ou encore des réflexions démentes comme "quand je suis filmée, je me comporte mieux !" ou bien "en gardant nos expériences pour nous, nous privons les autres de ces richesses !" (signifiant, en gros, qu'avoir, c'est voler, confirmant l'orientation marxiste du bordel). Les jeunes tarés du film croient combattre le "système" en s'attaquant à l'État alors qu'ils servent l'omnipotence de corporations qui sont, elles, les VRAIES maîtres du monde. Voilà une riche matière à débat. Mais un film ne se juge pas à l'aune des thèmes qu'il aborde : c'est ce qu'il en fait qui compte, et ses qualités intrinsèques, naturellement. Or, sur ce plan, The Circle se plante hélas dans les grandes largeurs : le scénario catastrophique accumule les dialogues débiles et les grosses ficelles (comme ces scènes où un personnage a tout à coup l'idée d'expliquer à l'héroïne ce qu'il se passe juste pour faire avancer l'histoire), et ignore la notion même de conflit (dans le sens où on ne compte qu'UN rebondissement à deux balles et zéro antagoniste, le CEO Eamon n'étant au fond pas plus mauvais que l'héroïne), les personnages secondaires n'ont aucune épaisseur, l'héroïne passe de la gentille fifille plutôt terre-à-terre à la facho détraquée embrassant la "transparence" sans transition et adulée de tous les frappadingues (le fait qu'elle soit à la fois la protagoniste et l'antagoniste du film, figure scénaristique très intéressante qui aurait pu donner sa saveur au film, ne marche donc pas puisque son personnage ne tient pas la route), on a droit à quelques grands moments de ridicule (comme la mort de Mercer, WTF ?), la mise en scène anémique de James Ponsoldt échoue à exploiter originalement le potentiel visuel du sujet et même à dynamiser les scènes de conférences (est-ce vraiment le même gars qui a réalisé Smashed et The Spectacular Now ?!), Tom Hanks est criminellement négligé et souffre de la comparaison avec le machiavélique Tim Robbins d'Antitrust, film certes très mineur mais qui avait au moins le mérite d'être divertissant (après, on lui doit malgré tout le meilleur moment du film, avec sa réplique "we're fucked", dite avec une nonchalance très amusante), la chtite Hermione est ici insipide au point de faire de John Boyega l'élément charismatique de leurs scènes… et au final, le film, complètement raté sur le plan dramatique, neutralise son propos par sa vision manichéenne du monde, où la majorité de la population mondiale et des États rentrerait par magie dans le délire du Circle. Au rayon positif, on relèvera tout juste les commentaires bien sentis des followers de Mae et l'association de la psychologie de meute aux Social Justice Warriors, cf. la polémique du cerf, mais c'est bien pauvre... Bref, un coup d'épée dans l'eau. Après son La Belle et la bête en plastique, Emma Watson, qui ne gagne pas vraiment de points avec ses tribulations de pasionaria féministe à côté de la plaque, a sacrément intérêt à se ressaisir.