Kate est une dame, une vieille dame. Le jour laissant pointer le bout de son nez, elle apprécie aller promener son chien Max sous le regard chaleureux de la brise matinale. C’est maintenant devenu une habitude, voire une obligation. De son mari, Geoff, on ne sait pas grand chose de ce qu’il apprécie ou non faire. Il y a comme un rideau de fer entre ce couple et nous, spectateurs, un gouffre déstabilisant qui prendrait bien assez souvent un maximum de place dans une narration peu intense et rarement convaincante. Et pourtant, on s’attache sans s’y attendre à des personnages, mais d’abord à des acteurs et aux caractères qu’ils laissent dépeindre sur leurs comportements et sur leurs visages. « Forty-five years » nous plaque aussi bien la cruauté d’un regard que sa plus doucereuse tendresse. Ce sont d’abord des retrouvailles. Grâce à une simple lettre, Geoff reprend connaissance de sentiments depuis longtemps perdus à travers des mots durs de souvenirs épars, et pourtant tellement proches… Et ce à une semaine d’un anniversaire de mariage aussi bien attendu qu’exécré. Commence alors une aventure sur une poignée de jours, accompagnés par ses indications de temps qu’on avait eu la possibilité d’observer dans le dernier Shyamalan. Mais il n’est sûrement pas la peine de préciser qu’il ne bénéficie pas de sa qualité rythmique ou de son suspense revigorant, et surtout de ses personnages plongés dans la plus belle des folies qui est celle humaine, si bien ancrés dans ces derniers. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, une sorte de cassure qui provoque un ennui palpable chez le spectateur, et en même temps celui-ci reste car il sent que le don de temps qu’il offre à cette oeuvre est pour la bonne cause, qu’un détail technique, de mise en scène, de son, d’image, métaphorique ou quoi que ce soit d’un minimum viable va tout à coup surgir de l’écran et l’étriper dans un bain de sang et d’émotion galvanisant et surtout… Déchirant est de constater que le dernier plan aurait dû être comme l’oeuvre dans son intégralité, même si il aurait fallut tomber parfois dans de la mauvaise caricature. Même si il y a de quoi se demander si c’est possible avec de tels acteurs, au final. Le mélange entre calme campagnard et conflit de couple ne fonctionnant pas, on se met à rêvasser à ce qu’une certaine ambiance intervienne, pas forcément une affaire de vol brutal, d’arrivée en sursaut de personnages violents ou même de meurtre (bien que Haigh, le réalisateur, soit parvenu à produire une certaine intrigue de qualité par rapport à ,si oui ou non, le personnage qu’interprète Courtenay se révèle être un assassin). Mais ce qu’il y a entre les parenthèses ne prend jamais beaucoup de place, donc à côté de ça on a droit à une quantité de séquences abusivement répétitives, dont vous pouvez trouver presque toute l’intégralité dans la bande-annonce du film en question. Ou cette impression que l’auteur s’est endormi durant les une heure et demi de tournage pour se réveiller lors des cinq dernières minutes, et nous frapper à coup de médaille le visage avec ce regard final d’une Rampling en larmes… Qui ne mérite pas une nomination aux Oscars pour autant, mais peu importe, ça reste une excellente actrice et elle n’a aucunement besoin de récompenses pour le prouver. Dommage que la dernière oeuvre dans laquelle elle joue est plate, sans vie, avec une musique au diapason embêtante, rasoir, et puis une idée de base sans ambition, qui se prolonge et se prolonge sans cesse avec une suite d’idées écrites à la hâte. Enfin, ce n’est qu’une impression.