Par sa thématique, le film démontre que même après de nombreuses années de mariage, on ne connaît pas toujours celui ou celle qui partage notre vie. Un secret enfui, un passé non révélé peuvent mettre à mal une relation de longue durée. C’est précisément ce qui va arriver au couple solide formé par Kate et Geoff. Délicat, le sujet aborde une réalité difficile à aborder mais le film de Andrew Haigh le fait en finesse et sans enfoncer les portes de l’intimité. Malgré une petite expérience dans le monde des séries (il scénarise et réalise « Loocking »), le quarantenaire n’en est qu’à son deuxième long-métrage et ne choisit pas de s’attaquer à la facilité. Avec « 45 ans », il met le doigt sur un point sensible : le poids des secrets. Celui de Geoff se pose sur le quotidien de ce couple sans histoire et en bouleverse à jamais la relation qui était la leur. Le metteur en scène nous entraîne au cœur de leur vie et nous rend spectateurs de leurs échanges, de leur détresse à travers une réalisation lente et un temps réel découpé en jours de la semaine.
Pour incarner les époux : Charlotte Rampling et Tom Courtenay. Elle, au début de ses 70 ans, a certes vieilli mais n’a rien perdu de l’intensité de son jeu. Jouant la carte de l’audace dans de nombreux films tels que : « Portier de Nuit », « Max mon amour » ou encore « Le verdict », elle peut aussi dans la sensibilité comme dans « Sous le sable » d’Ozon. Dans « 45 ans », Charlotte Rampling s’approche davantage de ce dernier rôle. Introvertie, les émotions passent par son regard, par son silence…loin d’être évidente, c’est pourtant cette approche qui donnera tout le crédit à son personnage. Face à elle, Tom Courtenay, de 8 ans son aîné. Révélé dans les années 1960, il est associé tantôt à des seconds rôles (« Docteur Jivago », « A la croisée des mondes »), ou à des rôles phares : « Last orders » « Otley », ou plus récemment dans « Le quartet » de Dustin Hoffman (où il joue Reggie Paget). On comprend aisément pourquoi les deux comédiens ont reçu chacun un ours d’argent au Festival du film de Berlin tant leur jeu, tout en pudeur, est convaincant.
Si le film est lent, on doit admettre que cette « lenteur » est indispensable pour comprendre les états d’âme de chaque personnage. Remplis de tendresse et d’amour l’un envers l’autre, les deux pensionnés se trouvent confronté à une difficulté à surmonter à la veille de leur anniversaire de mariage. Kate n’est pas le premier amour de Geoff mais il ne le lui avait jamais vraiment parlé. Faut-il préserver les apparences ou révéler la douleur inhérente à un tel aveu, celui de découvrir que celui avec qui on partage sa vie depuis si longtemps à une part importante d’inconnu ? Le passé est-il plus important que le chemin de vie qu’ils ont fait ensemble ? Nombreuses sont les questions et les réactions très différentes. Véritable histoire de la vie, « 45 ans » vaut la peine d’être vu pour la complicité qui se dégage des deux protagonistes et pour la performance d’acteurs. S’il ne restera pas dans les annales, le film a le mérite d’aborder un sujet délicat et d’être intelligemment traité.