1959. Un homme est envoyé à l’échafaud. Une fois raccourci, il raconte au spectateur, en voix off post mortem façon Boulevard du Crépuscule, son histoire singulière. Flashback : avant sa mort, il était un jeune curé, fraîchement muté à Albon, un village rhônalpin reculé mais champêtre et surtout doté d’une belle galerie de paroissiennes, propre à satisfaire les appétits sexuels du prêtre épicurien ! La première heure du film, narrant la félicité de l’heureux curé, est parfaitement désopilante : on se régale des frasques de ce curé amoral, tout en charme, fausse modestie et feinte repentance ! Les textes, finement ciselés, sont d’une drôlerie irrésistible et à l’entendre on imagine à quel point Melvil Poupaud a dû se délecter à les dire. Les images qui accompagnent cette voix off subjective participent au ton humoristique du film : la végétation luxuriante, qui renforce l’idée de paradis terrestre, les regards caméras des personnages et autres visions fantasmées (le vitrail !), tout donne l’impression que d’outre-tombe le curé adresse spécialement au spectateur sa vision toute personnelle des événements. Même après l’introduction de l’élément perturbateur, la jeune Rose, pas aussi ingénue qu’elle n’en a l’air, pendant un moment le ton reste badin… C’est très décalé, mais finalement, moins déconcertant que le changement de ton qui opère dans le dernier tiers du film. Le fait divers prends le pas sur la comédie, et la noirceur qu’il induit tranche (si j’ose dire, vu le destin du personnage !) avec la légèreté de ce qui précède. Cependant le réalisateur ne tombe pas pour autant dans le voyeurisme glauque. Les actes monstrueux qui ont valu au personnage sa condamnation ne sont que suggérés, et il ne faut pas oublier que c’est le protagoniste qui raconte, et lui ne réalise pas vraiment ce qu’il a commis. On a certes moins l’esprit à rire sur la fin, mais le narrateur conclut comme il se doit son histoire, avec l’humour noir qui le caractérise
: « nous avons tous nos petites faiblesses »
! C’est grinçant, mais aussi une bonne manière de conclure ce film atypique et globalement réjouissant ! En outre, on peut apprécier aussi sur ce film le très beau travail sur l’image (Philippe Ramos lui-même).