Stéphane Brizé a donné quelques indications sur la manière dont il est venu à travailler sur La Loi du Marché : "Mes films ont toujours traité de l’intime mais sans mettre en écho l’homme et son environnement social. L’étape suivante était d’observer la brutalité des mécanismes et des échanges qui régissent notre monde en confrontant l’humanité d’un individu en situation de précarité à la violence de notre société. J’ai travaillé au scénario avec Olivier Gorce que je connais depuis longtemps mais avec lequel je n’avais jamais collaboré. Son analyse et son regard sur les thématiques sociales et politiques sont très pertinentes et il était le compagnon de route idéal pour ce projet."
Le film est présenté en Compétition du Festival de Cannes 2015.
Le film a la particularité d'être tourné principalement avec des acteurs non professionnels. Coralie Amédéo, la directrice de casting, a cherché en tout premier des personnes qui occupaient la fonction du film dans la vie. Les employés de supermarchés que l'on voit à l'écran sont donc authentiques. Un tel choix a impacté le jeu de Vincent Lindon, mais dans le bon sens du terme.
Il s'agit de la troisième collaboration entre le réalisateur et scénariste Stéphane Brizé, et Vincent Lindon, après Mademoiselle Chambon (2009) et Quelques heures de printemps (2012).
Vincent Lindon au micro
A noter la présence au casting de Xavier Mathieu, leader de la CGT de l’entreprise Continental qui fut très médiatisé à l'époque de la fermeture de son usine. Avant d'être inclus dans le film, il a tout de même dû passer des essais auprès de la directrice de casting.
La Loi du Marché vaut à Stéphane Brizé sa première sélection cannoise. Il s'agit de son 6e long métrage, après notamment Quelques heures de printemps, Mademoiselle Chambon, Entre adultes, Je ne suis pas là pour être aimé et Le Bleu des villes.
Par soucis de réalisme, Stéphane Rizé a choisi de s’entourer d’un chef opérateur n’ayant jamais travaillé sur des fictions. Il recherchait quelqu’un capable d’être autonome avec le cadre, la mise au point et l’ouverture du diaphragme. La collaboration avec Eric Dumont s’est articulée autour de discussions concernant le point de vue de chaque scène et la manière de le traduire en cadre.
Stéphane Brizé était fasciné par le point de vue du personnage de Thierry, tout simplement central. C’est pour cela qu’il est parfois longuement filmé alors qu’il n’est pas forcément celui qui anime la scène. Le réalisateur l’a envisagé comme un boxeur qui reçoit des coups sans forcément s’attarder sur celui qui les donne. Le choix du cinémascope est d’ailleurs complètement lié à cela.
Le film a une portée politique. Il raconte la vie d’un homme qui a tout donné à une entreprise avant d’être mis sur la touche parce que des patrons ont décidé d’aller fabriquer le même produit dans un autre pays à la main d’œuvre moins chère. "Thierry est la conséquence mécanique de l’enrichissement de quelques actionnaires invisibles. Il est un visage sur les chiffres du chômage que l’on entend tous les jours aux informations. C’est parfois juste une brève de deux lignes mais cela cache des drames absolus. Il ne s’agissait pas par contre de s’égarer dans le misérabilisme. Thierry est un homme normal dans une situation brutale", explique le réalisateur.
La Loi du marché met un point d'honneur à montrer la longue odyssée que doit entreprendre Vincent Lindon. On le voit tomber de charybde en scylla dans la réalité brute de l'humiliation sociale qui touche les chômeurs. Son périple est entravé par de nombreuses épreuves telles que les rendez-vous à Pôle-emploi, les stages qui ne débouchent sur rien, la banque qui fait la morale, l’entretien d’embauche par Skype... La durée de cette observation fait comprendre aux spectateurs que Thierry n’a absolument plus le choix lorsqu’il accepte son nouveau travail.
Afin de ne pas sombrer dans la représentation caricaturale des gens travaillant dans les supermarchés, Stéphane Brizé a rencontré de nombreux professionnels dont le travail est d'éviter le vol à l'étalage. Toutefois, il a pris quelques libertés en exagérant l'abus de pouvoir du directeur qui licencie ses employés à la moindre petite erreur.
Stéphane Brizé est un réalisateur qui sait pertinemment ce qu’il veut. Dès le début de l’écriture, le projet était très défini et il a rapidement fait part de son désir de tourner avec une équipe légère et des acteurs non professionnels. Il a d’ailleurs proposé à Christophe Rossignon et Vincent Lindon de coproduire le projet avec eux, non seulement en s’imposant un budget limité, mais en mettant la majeure partie des trois salaires en participation tout en payant l’équipe au tarif normal. Une telle opportunité est rare dans ce métier, et cela lui a permis d’insuffler une cohérence d’ensemble. Fond, forme et cadre de financement se font écho. Ce choix ambitieux prouve qu’il existe une autre manière de faire des films à un moment où l’industrie du cinéma se questionne profondément sur ses mécanismes de financement.
Avant de s'engager sur le film et avant même de tourner, aucun acteur (professionnel ou pas) n'a pu lire intégralement le scénario. Chaque jour, les comédiens découvraient les situations qu'ils allaient devoir jouer : une méthode qui avait certainement pour but de jouer sur leurs émotions brutes.
Dans Fred de Pierre Jolivet, Vincent Lindon campait déjà un chômeur souffrant d'un contexte économique très difficile.