Avec son nouveau long métrage, Stéphane Brizé nous propose un film qui tente de nous faire pénétrer dans la peau du chômeur de longue durée. Avec sa caméra vacillante, avec une économie ascétique de mise en scène, il joue au documentariste qui suit son guide, ici, Vincent Lindon, souvent pris de dos. Un moyen pour nous faire entrer dans la peau du personnage principal. Principalement tourné avec des acteurs non professionnels, les employés vus à l'écran sont donc authentiques… grande qualité aujourd’hui !, au risque de démontrer que, dans les films, où les scènes sont répétées, tournées jusqu’à plus soif et montées après coupures et reprises, bien des amateurs sont capables de remplacer avantageusement bon nombre d’intermittents du spectacle. Pourtant, la mise en scène un peu poussive, et c’est un doux euphémisme, rend peu digeste ce salmigondis désirant passer pour une charge politico-sociale, sauf à être un spectateur inconditionnellement engagé. Son thème est réaliste, très actuel et vécu par un bon dixième de la population française : le chômage. Le réalisateur décrit la cruauté à peine voilée de la société envers le chômeur et la difficulté de retrouver du travail. Lors d’un rendez-vous à Pôle-Emploi, il tente de se rebeller contre ces stages qui ne mènent à rien, contre ce semblant d’aide qui permet à un fonctionnaire de justifier un poste garanti à vie, contre ce personnel non-impliqué et qui n’a aucune exigence de réussite dans sa tâche de placement. Face à l’attitude jusqu’auboutiste de délégués syndicaux comme le collègue syndicaliste (Xavier Mathieu), eux aussi licenciés, mais rémunérés par la centrale pour continuer l’(in)action, allez-y, tous devant moi, prenez les outils, je prendrai les commandes, il tente de défendre son agacement et son ardent désir de retrouver du travail. Tombant de charybde en scylla, il subit l’humiliation d’une conseillère bancaire qui lui fait la morale, le camouflet d’un entretien d’embauche par Skype et même le mépris d’un sombre crétin souhaitant lui acheter son statique mobil-home à vil prix. Pour Thierry comme pour beaucoup d’autres, les soucis financiers s’accumulent aux problèmes familiaux. Sa vieille voiture tombe en panne. Son fils est handicapé… mais à jouer dans le naturalisme réaliste, il faut avoir la virtuosité d’un Maupassant, le lyrisme d’un Zola, l’acuité d’un Balzac, l’ampleur d’un Hugo ou l’outrancière angoisse d’un Dostoïevski. Et là, Brizé, face à eux, ne fait pas le poids. Son réalisme est au niveau zéro, celui du micro-trottoir et des pétulants reportages soporifiques des chaînes publiques. Il nous suffit de traverser la rue pour le voir. Son film est sans surprise, l’inventivité est absente, l’intérêt du spectateur n’est aucunement sollicité, les longueurs s’ajoutent aux longueurs et les insipides dialogues sonnent creux.
Lorsqu’un emploi est enfin offert à Thierry-Vincent Lindon, on se dit que le ton va varier. Il n’en est rien. Il fait son travail, fort respectable par ailleurs, sauf à être anar ou se voiler la face. Il tente de frôler les divers types d’indélicatesses qui amènent à subtiliser des produits en grandes surfaces. Il y avait une avenue s’offrant à l’analyse, pour confronter dénonciation et délation, pour trouver la cause de ces larcins, pour peser la justesse des sanctions. Mais là aussi, motus, on observe et on rentre chez soi…
C’est ce que j’ai fait.