Non-assistance à chômeur en danger !
Un film fait de silences et de respirations. De nœuds au ventre, d'amertumes et de peur du lendemain.
Le sujet est chaud, terriblement actuel, prégnant, reflétant l'angoisse, faisant surgir des peurs enfouies en chacun d'entre nous : le chômage et l'odyssée de la longue reconquête d'un emploi. Comme gravir le mont Everest à mains nues. Écorchures, sang, sueur et larmes.
Et là Stephane Brizé nous déroule le parcours du combattant : les dérives, les abus des employeurs, la précarité, les sacrifices, les formations inutiles, les humiliations subies à Pôle Emploi dont la seule justification semble être de fournir du travail et des emplois à des fonctionnaires qui ne craignent eux ni le chômage ni la précarité. Et qui semblent tout ignorer de ce que peut ressentir un chômeur. Car il ne connaîtra jamais la situation et l'urgence qui s'en dégage. Paradoxal.
Vincent Lindon est magistral, tout son visage est tendu, nerveux, désabusé, fatigué, résigné... Il joue à l'économie mais sa présence est telle qu'on se régale. Même quand il ne fait que cligner des yeux, soupirer, sourire timidement, l'émotion submerge l'écran.
Heureusement quelques rayons de lumière, pâles et timides, fugaces, maintiennent hors de l'eau le spectateur fragilisé.
Proche d'un documentaire dans sa forme tant le film colle à la réalité, en cinema naturaliste pur jus.
Les longs plans séquences s'enchaînent, sorte de mini-documentaires dans le documentaire, à la fois liés et indépendants. Certains très réussis, d'autres longuets et peu utiles. Le pari était risqué et Brizé ne le réussit que pour moitié.
Le reproche principal étant que la caméra malgré ses gros plans sur les yeux fatigués et le "dialogue" des visages des acteurs prend trop de distance avec son sujet.
Il manque une poigne, une énergie combattive, une hargne. Brizé est doux même s'il ne manque jamais de souligner les travers de ce marché du travail impitoyable qui broie les salariés.
La caméra est proche de ses personnages sans doute mais froide. Lointaine. Pas assez militante peut-être.
Nauséeux, vaseux, dépité, le spectateur ne sort néanmoins pas indemne de la salle. Sonné mais pas KO - Pas assez d'intensité pour l'allonger - Mais suffisamment de présence pour le toucher.