Rares sont les films qui m'ont autant touché. En scénarisant son propre roman, Jesse Andrews livre un scénario aussi attachant qu'original. Tout comme "Nos étoiles contraires" et "La face cachée de Margo", ce film perpétue la tradition du cinéma indépendant de qualité.
"This is not a love story" est quelque part une histoire d'amour, mais c'est bien plus que ça. C'est une histoire qui parle du passage de l'adolescence à l'âge adulte. On y suit Greg, un adolescent atypique qui joue un rôle pour lui et pour les autres. Il essaye de survivre dans un monde aussi en marge que lui. Le lycée où il étudie n'a d'ailleurs rien de réaliste ; prof tatoué et décalé, établissement complètement hiérarchisé, le tout situé dans une petite ville américaine sortie d'un film de Wes Anderson. Même les films qu'il fait sont des pastiches de grands films. Dans cette ville de décor de cinéma et où la poésie s'invite, la réalité va rattraper Greg. Incarnée par Rachel, il s'agit en fait d'une ancienne connaissance atteinte d'une leucémie. C'est toute cette dualité qui va parcourir le film et questionner le personnage principal.
Loin des stéréotypes de l'enfance des comédies américaines, le film aborde le thèmes des maladies, plus précisément du cancer, et dresse le portrait de trois jeunes adolescents. Le film est en quelque sorte le "Dr Jeykell & Mr Hyde" du teen movie moderne. Un film schizophrène alternant un visage séduisant, plein de douceur, et un autre, plus sombre et effrayant.
Découpée en chapitres et accompagnée d'une voix-off, l'ambiance littéraire du film est très prononcée mais colle avec l'ambiance générale.
Les bases du film de lycée américain sont bien évidemment là, avec notamment ce groupe d'élèves à l'image du "Breakfast Club" (1985) de John Hugues, comprenant ses catégories bien identifiables, comme les sportifs, les théâtreux, etc. Mais Greg louvoie et devient pur spectateur de ce monde, ne faisant pas le choix d'appartenir à l'une de ses catégories. De la même manière, il ne choisit pas sa rencontre avec Rachel, tout comme il n'avait pas vraiment choisi son meilleur ami, Earl. Thomas Mann (vu dans "Projet X" et plus récemment dans "Kong : Skull Island"), qui l'incarne, est toujours juste. Son opposition avec Rachel (Olivia Cooke, l'excellente Emma de la série "Bates Motel") fonctionne incroyablement bien et, elle aussi, ne sort pas du cadre et signe une prestation mémorable pour un rôle plutôt difficile.
Si en soit l'histoire est assez basique, le personnage de Greg est assez burlesque pour nous embarquer dans sa non-aventure. C'est la réalisation d'Alfonso Gomez-Rejon qui va nous faire ressentir tout ce côté étrange du métal de l'adolescent.
A travers des séquences en stop-motion de marionnettes, des effets de style exagérés, des citations et références au cinéma en pagaille, le réalisateur arrive à nous faire accepter ce personnage qui n'est pas vraiment sympathique à première vue. Par ailleurs, Greg est surtout dépourvu d'un grand nombre d'émotions et ça deviendra l'une des clés du film. On s'attache donc plus à lui par l'humour et son côté décalé.
Prix du Jury au Sundance 2015, "This is not a love story" est un film plein d'humanité et une déclaration d'amour au cinéma. L'excellente bande-originale de Brian Eno, collaborateur de longue date avec le groupe U2, renforce la sensibilité du film. Sans compter que la photographie de Chung-Hoon Chung, chef opérateur du "Old Boy" de Park Chan-Wook, sert délicatement l'histoire avec ces jeux de lumières légers et raffinés.