Dope, de Rick Famuyiuwa aura donc fait sensation lors de ses quelques apparitions en festivals, l’année dernière, emportant avec lui l’assentiment des critiques de tous bords. Voilà donc le Teen-Movie dans sa version ghetto, l’autre facette de l’Amérique estudiantine. Dope, le terme signifiant un mec cool dans le jargon du cru, nous raconte l’histoire peu banale de trois adolescents d’un bas-fond pour le moins mal fréquenté de Los Angeles, faisant de leurs ambitions un motif en soi pour tous les joyeux débordements qu’ils commettront. La fin justifie donc les moyens, dans la bonne humeur et s’il vous plait, agrémenté d’une bande sonore signée Pharell Williams. L’artiste et producteur, parmi les plus influent du milieu, semble d’ailleurs œuvré pour un film à son image, emplit de clin d’œil à sa vie passée, calibré tel le portrait d’une jeunesse qu’il aurait voulu vivre ou qu’il a, en partie, vécu. Rien de mal à ça, bien sûr, mais le spectre de l’autosatisfaction plane tout du long sur le film, un film qui plus est produit par quelques personnalités concernée par des causes diverses et variées. Le cinéma indépendant américain, donc, dans ce qu’il a de plus préconçu. Mais cela importe peu.
Ce qui est important ici, c’est la vivacité du récit, des personnages, le dynamisme du metteur en scène et, en quelques occasions, l’inspiration dans les dialogues. Sans forcer, Dope se tourne donc vers le contre-courant d’une culture adolescente américaine qui se voit comme l’innocence réincarnée, une jeunesse qui s’éclate en ne faisant que des bêtises sans conséquences. Avec leurs films, Famuyiuwa, Pharrell et notamment Forest Withaker entendent bien dépoussiérer le mythe et convoquent l’illégalité, la clandestinité des pratiques des quartiers malfamés pour en arriver au même postulat. La gloire, du moins une forme de gloire. De geeks, Malcolm et ses copains sont passés au statut de Dopes. En gros, on ne sort pas du ghetto sans arrogance, sans panache et sans la débrouillardise requise. On veut bien. Pour autant, on sent poindre à chaque instant la possibilité d’un dérapage peu élégant, le film étant sur le fil du rasoir, perpétuellement, entre bonne intentions et malsaines perspectives. C’est peut-être ça qui aura si bien plu à un public qui fuit depuis des lustres l’aseptisation des productions de ce type, dans la majorité des cas.
Coté interprétation, saluons les trois jeunes méconnus, du moins pour l’instant. A l’exception de Tony Revolori, vu chez Wes Anderson et son Grand Budapest Hôtel, le casting nous tombe du ciel et nous pourrons découvrir un certain Shameik Moore, un gaillard, il faut le dire, plutôt touchant. Fringuer à la façon du prince de Bel Air, affublé d’une coupe de cheveux à faire fuir ces dames jusqu’aux confins du déserts voisins, ce jeunot brave tout sur son chemin avec un entrain réjouissant, souvent amusant, un geek découvrant le monde et toutes les possibilités offertes de s’émanciper de sa condition.
Dope, donc, sera finalement un hymne un peu naïf à la liberté de réussir sa vie, qu’importe les défaveurs, qu’importe notre cadre de vie. C’est engageant, c’est sympathique et cela mérite d’être vu. De là à propulser le film au rang des grandes œuvres contemporaines, je n’irai pas jusque-là. 11/20