On ne peut pas dire que le film de Cyril Gelbat soit révolutionnaire et subversif, dans la forme comme dans le fond, on a d’emblée l’impression de l’avoir déjà vu alors qu’il vient de sortir ! Il faut dire qu’on est presque devant un sujet éculé, traité avec plus ou moins de bonheur par le cinéma, c’est donc un projet assez casse-gueule que ce film, au final. Avec une réalisation bien académique mais efficace et sans chichi, Gelbat réussit quand même plutôt pal mal son pari, si celui-ci est de nous faire passer 1h40 agréable devant un film charmant. Il a soigné son casting, en offrant à Manu Payet un rôle tellement taillé sur mesure quand dans le premier quart d’heure on a l’impression qu’il s’auto-parodie. Il est épatant, Manu Payet et je le pense depuis longtemps, pour peu qu’on lui offre des rôles de qualité, il nous épatera encore. Là, il fait le job sans trop forcer, drôle quand il faut l’être, fragile quand c’est nécessaire, rien à lui reprocher. Autour de lui, les gamines sont adorables (même si je trouve étrangement sages et raisonnables pour des petites filles), les second rôles bien tenus par des acteurs confirmés comme Pascal Demolon et Aure Atika. Dommage qu’ils soient assez peu écrits, un peu trop sous-exploités à mon goût. Mais pour moi, la vraie bonne surprise du casting c’est Audrey Lamy. Sobre, toute en retenue, trouvant le ton juste dans les scènes à forte teneur en émotion, elle est aux antipodes de son rôle de fofolle de « Scène de Ménages » et franchement, la voir comme ça, ça fait plaisir et ça rassure sur son avenir de comédienne, elle prouve qu’elle a une palette étendue, ce qui ne sautait pas aux yeux d’emblée et c’est une très bonne surprise. Cyril Gelbat rend une partition propre et sans esbroufe, comme je l’ai dit, et il soigne aussi sa bande son. Forcément, son film se déroulant pour une bonne partie dans le monde de la musique, il habille son film de la jolie voix de Joe Bel, du coup la bande originale est de qualité et ne lasse jamais. Reste que voilà, toutes les bonnes intentions du monde ne font pas forcément un bon film car le principal, ce qui reste au final, c’est le scénario. Et là, sans vouloir être trop dure, les ficelles sont grosses et usées jusqu’à la corde : l’adulescent qui, mis devant le fait accompli, découvre sur le tard le bonheur d’être père et les joies de la famille et réalise qu’il aime encore sa femme, ce n’est pas nouveau, et ce n’est pas non plus l’idée la plus subversive du monde ! Ah, les vertus de la famille, la paternité qui épanouit, les vraies valeurs qui restent dans ce monde qui fout le camp, c’est intemporel et universel, et c’est un peu barbant aussi. Alors forcément ça fonctionne parce que Manu Payet est attachant, parce qu’il crée rapidement une alchimie adorable avec les deux petites, parce qu’il est drôle et qu’il rend son personnage charmant alors qu’au début du film il est détestable d’égoïsme. Il n’y a pas de baisse de rythme, le film se déroule comme une pelote de laine :
je suis désemparé devant ma progéniture, puis je les apprivoise, puis elles me manquent quand je dois m’en séparer, puis je me met à détester le nouveau mec de mon ex, puis j’entreprends de la reconquérir
, et voilà que sans coup férir, on arrive aux dix dernières minutes du film sans s’être ennuyée, mais sans avoir été super emballée non plus ! Et puis, alors qu’on s’attend à boire le calice du « vu et revu » jusqu’à la lie, le scénario nous offre la fin qu’il fallait, presque inattendue au regard de ce qui précède, une fin douce amère pertinente, réaliste, qui donne une note finale agréable et subtile à cette comédie. Il y a tellement de film très bien gâché par une fin téléphonée, on peut souligner que là c’est l’inverse, si le scénario est téléphoné, la fin est juste et remet, un peu tardivement certes, le film sur les rails.