Je le dis d’emblée et sans fioriture : Bruno Dumont je n’aime pas. Il a peut-être de grandes idées mais elles sont selon moi dilapidées par une direction d’acteur calamiteuse, insupportable. C’est bien de prendre des amateurs, mais rien ne l’empêche de diriger. Et pour moi ses films sont indigestes parce qu’il se moque au nom d’un je-ne-sais-quel-naturalisme-à-la-mors-moi-le-noeux-d’auteur-libre-qu’il-est de la direction d’acteurs. Seul le scénario semble compter pour lui et peu lui chaud qui le sert. Autant mettre des personnages en carton ! Entendu, ce n’est pas n’importe qui, il a des prix à foison et ces prix lui donnent raison. Entendu Cannes a primé Emmanuel Schotté et Séverine Caneele prix d’interprétation masculine et féminine pour « L’Humanité ». C’est Cannes et ses délires ! Et si l’une a persévéré, l’autre ne s’est plus montré tant il aurait subi une marée de quolibets. Certes, Dumont peut être fier de son acteur, c’est un sacré pied de nez à l’Institution du Comment-faire-du-cinéma, Schotté peut s’enorgueillir mais ce prix ou Bruno Dumont ne l’ont-ils pas cramé, sans doute conscient qu’il n’avait aucun talent et désolé de se voir primé ?! Peu importe, je n’adhère pas à ses dogmes et ne suis pas objectif ! Et comme dirait l'autre : "Ce n'est pas parce qu'il est intelligent qu'il ne dit pas de bêtises !" Je ne connais pas sa série « P’tit Quinquin » mais on en dit beaucoup de bien. Et c’est tant mieux. « Ma Loute » est un Dumont qui me laisse pensif. Je ne peux plus dire je n’aime pas mais je ne peux pas dire j’aime. C’est déjà un sacré progrès ! Le partis pris de segmenter acteurs amateurs pour les bouseux et acteurs professionnels pour les bourgeois est original. Et dans l’ensemble la direction d’acteurs pour la partie amateurs est très supportable… le son qui restitue les vents de la baie de la Slack permet d’atténuer les fausses notes ! Par contre, la direction d’acteurs dans la partie professionnelle est assez déroutante. Je repense à la conférence de Presse de Luchini à Cannes. Combien il était très sceptique sur la direction d’acteurs de Dumont. Il n’empêche que l’interprétation de son personnage jusqu’à sa démarche est culottée. Oui, il faut être culotté pour ainsi demander à des acteurs fussent-ils professionnels de sur-jouer à ce point. C’est fascinant ! Juliette Binoche dans sa douleur est délirante. Seuls des professionnels pouvaient à ce point répondre aux extravagances de Dumont. C’est réussi même si je comprends que cela peut en irriter. C’est la partie comique : les entendre braire ! Par contre côté bouseux et flics, c’est mi-figue mi raisin. C’est roue libre. Pour être honnête, l’actrice Raph qui interprète l’androgyne Billie, était convaincante pour une non-professionnelle. C’est ce que je dis : Dumont ne se casse pas la tête pour les amateurs, ça passe ou ça casse. Comme il ne se casse pas la tête sur l’intrigue. A l’origine, le flic Machin à l’accent Ch’ti à couper à la serpe, enquête sur des disparitions. Quid de celles-ci quand il ne s’intéresse qu’à celle de l’oncle de Billie, à Billie même et sa mère ? Par contre, il nous distille de ci de là des indices qui nous révèlent que cette famille de bourgeois est consanguine. Il y a une seule scène qui m’a arraché un sourire, celle où Luchini dit à Binoche alors que celle-ci s’étrangle avec exagération de douleur :
« Nous étions bourrés » Il faisait allusion au viol de sa soeur ! Qui de son père ou lui avait violé sa soeur ? Apparemment les deux !
Famille bourgeoise demeurée confrontée à une autre tout aussi demeurée, les bouseux à commencer par « Ma Loute ». En parlant des bouseux et autres flics, Dumont ne se casse pas plus la tête sur le langage Ch’ti. Incompréhensible ! Les canadiens n’hésitent pas à sous-titrer leur français ; Dumont aurait dû se donner la peine d’en faire autant. Ce qui m’aurait évité de décrocher par moments tant je me décourageais à vouloir décrypter ! Bref, voilà un film que je reconnais un peu barré mais qui m’a laissé globalement assez indifférent ; à l’exception de Billie, aucune empathie pour les autres personnages. En ce moment je suis Lynch avec son « Twin Peaks : The Return », voilà une série complètement barrée, mais je ne sais pas pourquoi son traitement est nettement plus fascinant que « Ma Loute ». Me suis-je un tantinet réconcilié avec Dumont ? J’ai regardé « Ma Loute » pour Luchini et Binoche, par pour Dumont. Neuf nominations aux César : aucune à l’arrivée. Ca résume « Ma Loute »: beaucoup d’extravagance pour rien.