A la fois salué et désavoué par la critique, le dernier long-métrage de Bruno Dumont, Ma Loute, n’aura laissé personne indifférent lors de son récent passage sur la Croisette, en compétition officielle 2016. Le réalisateur du Petit Quinquin s’offre là une ballade loufoque dans le Nord des années 1910, ou se côtoient bourgeois en villégiature et petits gens du cru, se regardant en chien de faïence mais forcés de cohabiter dans un décor côtier d’une rare beauté. Entre ringardise et audace, entre exubérance et platitude, on ne sait trop quoi penser de Ma Loute, un film à la fois innovant, indépendant, et parfois détestable de maniérisme, d’euphorie comique qui ne plaira pas à tous. Curieux, en effet, qu’un film tel que celui-ci, un pur produit d’inspiration libérée, une comédie à la fois potache, invraisemblable, moqueuse et parfois à la limite du bon goût.
Qu’on se le dise, les amateurs des travaux antérieurs du cinéaste, ou ceux qui apprécient les franches prises de risques cinématographique, apprécieront sans doute. Les autres, plus enclins à une certaine normalité, peineront à en rire, tout en se demandant quel narcotique ont été consommés lors de l’écriture du scénario. Il s’agira aussi de supporter les exubérances d’un Fabrice Lucchini, habitué à l’exercice, mais souvent plus curieux que drôle, et surtout une Juliette Binoche en pleine roue libre. L’actrice peine sincèrement à exprimer des sentiments autres que purement fonctionnels, d’un non-naturel dérangeant. Tout dans le sur-jeu, les comédiens se vouent aux inspirations du réalisateur avec une réussite, dans l’ensemble, toute modérée. On pourra certes en rire, en certaines occasions, mais le film devient parfois si poussif qu’il en deviendrait crispant.
A chacun sa manière d’appréhender Ma Loute, curiosité made in France à laquelle on ne pourra enlever sa mise en scène parfaitement léchée et son originalité. Reste que lorsqu’une œuvre est si originale, disons-ça comme ça, les avis sont rapidement tranchés. On aime ou on déteste. Curieusement, je me situe quelque part entre les deux, à la fois gêner par l’aspect loufoque de l’œuvre et à la fois emballé par tant de liberté artistique. 09/20