Je pensais que Roar Uthaug s'était vendu à l'Amérique avec son Tomb Raider, que ce réalisateur Norvégien, pour s'ouvrir à l'international, avait su cacher sa personnalité visuelle pour tomber dans la ribambelle de ces clichés d'héroïsme et badasserie dont les américains sont friands. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je vis, avec The Wave, qu'Uthaug est en fait un produit du cinéma américain.
S'il a une certain sensibilité visuelle (qui diffère tout de même de celle de l'Oncle Sam), soutenue par des passages émotionnels forts, l'arrivée précoce des incohérences marque une première déception : passée la présentation très intéressante de cette famille, qui nous pose leurs enjeux, leur relation, leurs conflits de manière pudique et intimiste, avec une photographie pour le coup soignée, c'est au moment de la catastrophe que l'oeuvre s'américanise à l'excès.
Suivant un choix surprenant, celui de montrer le début de la catastrophe sous les yeux des personnages principaux pour couper en plein milieu et nous rabattre directement sur les conséquences du désastre, il peine à mesurer la complexité de son écriture : The Wave, par recherche de simplicité scénaristique, nous suggère que se cacher dans une voiture nous ferait survivre en cas d'ouragan massif, poussant l'incompréhension suffisamment loin pour nous faire revenir la majeure partie de ceux qui fuyez vers la montagne sans nous dire comment ils ont seulement pu s'en sortir sur leurs deux jambes, tandis que l'eau devait obligatoirement les frapper de plein fouet.
Des incohérences qui gâchent le visionnage, certes, mais ne sont pas non plus aussi dérangeantes que les clichés qu'il multiplie. Si les personnages, touchant, mènent des relations très bien abordées, c'est au moment de gérer le danger, l'état de crise que leurs réactions perdent en logique, en naturel, en fluidité. Entre des réactions illogiques et des passages forcés, le pathos atteint un stade si important qu'on aura tout de même droit au survivant devenu fou qu'il faut noyer, et pour lequel on ne peut ressentir d'empathie (son surjeu et le manque de connaissance de sa personnalité annihilant tout effort d'intérêt).
De même pour les retrouvailles et la scène de résurrection prodigieuse, complètement irréelle et loin de la conclusion dramatique à laquelle on devait s'attendre, seule fin logique à cette histoire de rédemption familiale certes pathos, mais sauvée par la justesse de son développement et des liens familiaux créés. Plutôt que de tenter cette fin, on a droit à un happy ending à l'américaine, où tout le monde est content parce qu'ils sont saufs, l'expérience traumatisante devenant une réunion familiale réussie.
Il n'y a plus qu'à retrouver la plus jeune, celle qui attendait depuis la moitié du film, et le faire en tant que héros, dans un plan de retrouvailles que n'aurait pas renié un certain Armageddon. C'est là qu'on comprend que si The Wave commençait de manière intimiste, sa volonté d'être spectaculaire (la vague est sidérante) et de faire un film grand public annihile totalement la vision humaine qu'il pouvait amener au genre catastrophe, et fait finalement les mêmes erreurs que ses concurrents et ses prédécesseurs : sacrifier la finesse sur l'autel du plaisir explosif, et ne se soucier que d'un cadre familial pour faire clairement comprendre qu'on s'en fiche que des centaines de gens soient morts, tant que les personnages principaux puissent se retrouver et mener, enfin, une vie ensemble qui soit équilibrée, rêvée, et rentre dans le modèle de l'histoire d'amour cinématographique.