Lorsque le potentiel cinématographique d’une curieuse et sordide histoire telle que celle-ci n’est pas à démontrer, il est bien plus difficile de pardonner les errances narratives, techniques et créatives du metteur en scène et de sa troupe. Oui, El Clan avait tous les arguments pour exploser littéralement comme le polar latin le plus faste de sa génération, revenant sur l’atrocité d’un vaste réseau de kidnapping dans l’Argentine des années 80, au sortir d’une sombre période de dictature militaire assassine. Le film possédait, au surplus, l’intérêt de mêler cette sombre activité, quasi normée, à la vie de famille de notables argentins, une famille respectée dont le fils fût l’un des grands espoirs du Rugby national, entre autres choses, jusqu’à la chute. En définitive, tout n’est qu’esquisse, tout n’est qu’approximatif. Rageant alors que tout était réuni pour un grand polar exotique.
Pablo Trapero, appuyé par quelques producteurs ibériques émérites, inutile de citer des noms, semble s’être pris les pieds dans le tapis, cumulant les séquences à la mise en scène morne, se référant maladroitement aux codes américains du polar tout en omettant d’insuffler un quelconque culot, une quelconque indépendance, à son film. C’est lisse, passablement décousu alors que nous sentons, tout du long, l’énorme potentiel émotionnel, dénonciateur, que recèle la véritable histoire ici adaptée. Ce n’est donc jamais passionnant, un comble lorsqu’il y aurait tant à raconter. Mais rassurons-nous, toutefois, le film n’étant pas foncièrement moche, esthétiquement parlant, et il arrivera à Pablo Trapero de sortir parfois de sa torpeur pour nous livrer une séquence ou deux qui en valent au moins un peu la peine.
Mais pire encore que cette réalisation anodine, c’est ce manque de profondeur scénaristique évident. En effet, le contexte politique argentin de jadis joue un rôle majeur dans ces séries d’enlèvements, de rançonnages criminels, alors que le scénario ne fait qu’effleurer les mécanismes de ce système défaillant, du moins clairement divisé. On nous fait comprendre que le système y est pour quelque chose sans jamais l’impliquer frontalement, d’où une terrible impression de désordre, ou de largesse, voire de légèreté, dans la narration. On appelle ça communément un gâchis, un peu comme si l’on venait nous raconter l’histoire d’un jeune adhérant au parti nazi, dans les années 40, sans revenir sur l’impact politique de sa mouvance.
Rien qu’une esquisse, comme dit plus haut, d’un véritable phénomène criminel somme toute assez méconnu, un sujet qui aurait mérité bien d’avantage que ce qui sera proposé ici. On notera, par ailleurs, que la qualité des interprétations n’est pas non plus le point fort d’El Clan, tant bon nombre de comédiens semblent se perdent, inconsciemment, dans les limbes d’un projet qui les dépasse, exception faite, peut-être, du patriarche de la famille qui lui, sera agaçant à trop vouloir forcer son jeu. Non, décidément, on aurait aimé voir bien mieux. On ne gagne pas à tous les coups. 07/20