La bande annonce m’avait donné très envie de voir ce long métrage de Pablo Trapero, grâce notamment à la scène dans laquelle on voit le doyen de la famille porter un plateau repas en toute sérénité à son otage alors que l’ensemble de la famille se prépare à passer à table. Une scène qui montre la psychologie très contrastée du personnage : un père à la fois attentionné et monstrueux. Le crime serait-il donc une affaire de famille ? C’est ce que l’affiche affirme en tout cas. D’où le titre "El Clan", sans doute. "El clan" s’inspire d’une affaire criminelle qui défraya la chronique dans les années 80en Argentine : l’affaire Puccio. Qu’en est-il de la retranscription au cinéma ? D’abord on sent un gros travail de documentation sur cette affaire, et cela n’était pas aisé puisque des hautes sphères du pays étaient apparemment impliquées. Et la réalisation est solide, bien qu’on puisse s’interroger sur l’aspect amateur des forfaits commis et des suites données ; cela a le mérite d’interpeller, tant c’est frappant. Au-delà de ça, Guillermo Francella, grand spécialiste de la comédie, surprend tout le monde en interprétant un patriarche froid, implacable, si déterminé qu’il réussit à vous glacer le sang, notamment lorsqu’il fait preuve du plus grand calme olympien en toutes circonstances. Dans ce rôle-là, son charisme impose une forte présence, et on sent même son influence auprès des siens lorsqu’il n’est pas à l’écran ! Sous son air de bon père de famille, il est tout bonnement terrifiant ! Cela donne une ambiance glauque, très noire, voire malsaine. Une ambiance magnifiquement maîtrisée par une mise en scène de qualité et par l’utilisation de la caméra, parfois intimiste. Avec une telle approche, la psychologie des personnages est suffisamment décrite, et la photographie en devient intéressante, grâce aussi à la formidable expression scénique des acteurs. Sur ce dernier point, Peter Lanzani se montre très convaincant dans la peau de ce fils en proie à une sourde révolte qui ne veut pas naître, en tout cas en proie à bien des doutes, ce qui en fait un personnage très tourmenté. En somme, "El clan" rassemble tout un tas d’éloges. Alors pourquoi ne fait-il pas autant l’unanimité dans les notes ? Sans doute parce que l’œuvre reste quelque peu superficielle (personnellement, j’aurais aimé voir le procès d’Arquímedes Puccio), et me semble de ce fait réduite à l’état d’anecdote, certes des plus sordides. Et puis j’avoue avoir été un peu perdu entre les fils Puccio : l’un partant, l’autre revenant au bout de je ne sais plus combien de temps, mais suffisamment longtemps pour qu’il puisse avoir changé physiquement. Le rythme semble bon, et en accord avec les sombres travaux de cette famille. Pour conclure, "El clan" est intéressant à suivre pour notre culture générale, la médiatisation de cette affaire n’ayant pas réussi à traverser l’Atlantique alors que ce fait divers a choqué l’Argentine toute entière. La réalisation de Trapero a beau se contenter de relater les faits comme ils se sont passés sans prendre parti, l’effet terrifiant de cette œuvre va vous passer assez vite. En raison d'un manque d'audace ?