Soucieux de rendre hommage à un leader controversé de la lutte contre l’esclavage, The Birth of a Nation se présente telle une réponse à l’œuvre originale de D.W. Griffith, à deux différences près. La première tient à la pauvreté esthétique d’un ensemble convenu, quoique tout à fait regardable et doté parfois de plans bien composés. La seconde tient à l’avènement d’un prophète, là où le film de 1915 immortalisait les actions d’un collectif réuni sous un même déguisement. D’entrée de jeu, Nate Parker, ici acteur, réalisateur, producteur et scénariste – premier spectateur, on le suppose aussi – fait de son personnage un élu, un prophète béni de Dieu venu sauver les Noirs des méchants Blancs. Il a la marque, il faut l’écouter, il faut le suivre. Il sait lire, il prêche la Bible dont il démasque la lecture biaisée effectuée par les maîtres pour justifier leurs exactions. Le long métrage compose ainsi une parabole et se fait catéchisme : sa démarche est pédagogique, elle s’efforce constamment de transmettre un enseignement à l’aide de sermons et d’un panorama de la cruauté blanche. Coups de fouet, viols, lynchages, armes à feu, marteau et burin pour casser les dents d’un esclave encore en vie, l’une après l’autre. Nate Parker ne nous épargne rien, et la violence des Blancs sert à justifier la violence des Noirs. Aussi, nous sommes plus proches de la saga Death Wish, qui introduit les pires horreurs pour ensuite rendre légitime la vengeance armée de Paul Kersey, que du magnifique 12 Years a slave (Steve McQueen, 2013) qui ose s’emparer d’un affranchi pour l’insérer dans le système esclavagiste auquel il commence par trouver des qualités – voir son existence paisible dans la première plantation. À l’instar de Griffith qui reconstruisait l’Histoire de l’Amérique afin d’ériger le Ku Klux Klan en un groupuscule libérateur engagé dans une révolte sacrée, Parker prône la croisade livrée contre une race qu’il faut exterminer. Hommes, femmes, enfants. Dit autrement, The Birth of a Nation version 2016 n’a strictement rien appris en cent ans au point de reproduire le même discours haineux, mais en pire. Il fait de l’affrontement entre maîtres et esclaves un spectacle gore à la limite de l’épouvante – tête tranchée, hache tenue d’une main comme pour tuer un vampire – qui réduit l’Histoire à une collection d’images d’Épinal avec lesquelles jouer. Tout cela est englué dans une liturgie raciste qui se vautre dans une apologie de la violence, du sang versé pour venger le sang, aussi stérile que dérangeante. N’y a-t-il pas un problème à voir le film de Parker diffusé et parfois applaudi alors qu’il propage une forme similaire au djihadisme contemporain ? Peut-on, sous prétexte de servir une cause, recourir de la sorte à une période historique aussi complexe ? Les Blancs sont tous des dégénérés, les Noirs tous des victimes. Un Christ noir va même jusqu’à se livrer à ses bourreaux. La messe est dite. Amen. Mais qu’en garder ?