… Euhhhh l’oscar ? Ca va pas être possible … Et maintenant, le plus dur : il va falloir essayer d’oublier …
Pour sa première réalisation, Nate Parker s’en tire pas si mal ; Pour devenir Tarentino ou Clint Eastwood il faudra travailler pendant les vacances et pas se relâcher au troisième trimestre, mais on a vu des acteurs se prendre plus méchamment les pieds dans le tapis rouge en voulant se placer derrière la caméra. C’est pas mal filmé, la photographie est bonne, le montage est fluide, l’histoire que Parker raconte est peu connue, et méritait de l’être ...
Malheureusement, on a bien vite la légère impression d’être pris pour des lapins de trois semaines … Côté jeu des acteurs, c’est clairement « La case en moins de l’oncle Tom » ; Les acteurs ne jouent pas vraiment mal, mais sont poussés à un jeu tellement caricaturé (… Zou, on va leur faire çà au hachoir et à la truelle…) que c’en devient risible. Nate Parker est aussi expressif qu’un panda géant, affichant toujours le même regard de petit lapin pris dans des phares de voiture face à chacune des turpitudes de ses abominables geôliers. Les trois quarts du film, Il fait penser à un bisounours découvrant l’esclavage, pas à un homme ayant grandi dedans… Et quand le bisounours finit par décrocher son fusil d’assaut pour faire la misère à la moitié blanche de ce monde … Après son arrestation, le vrai Turner sera décrit comme un homme extrêmement intelligent, un « fanatique qui fera glacer le sang dans les veines » de l’officier qui prendra sa déposition. … Pas comme « Tinkie-Winkie au pays de la vengeance », non, vraiment çà passe pas.
Les rôles de blancs ne sont pas joués avec plus de nuance, qu’on se rassure, il ne leur manque que le filet de bave leur coulant sur le menton pour exprimer tout le crétinisme sadique qu’on leur connait ... La plupart des rôdeurs de « Walking dead » jouent avec plus de finesse… Bref, devant l’alternance manichéenne entre « très très gentils » et très très méchants » on a rapidement l’impression de voir Parker-le-réalisateur jouer à Jacquouille la fripouille avec son interrupteur « … JOUR !!!! … NUIT !!! ». Et pour que le viol mental soit complet, cà se double d’une musique qu’on a bien compris qu’on devrait la trouver super-émouvante mais que non, désolé, la prochaine fois peut-être, mais là elle devient aussi omniprésente et lourde que les vannes du Tonton Daniel…
… Et tout a coup, on réalise que pour faire le film de ses rêves, Parker a pris pas mal de libertés avec l’histoire (… Le chenapan…) ; on passe beaucoup de temps sur la femme de Turner et son idylle avec elle, mais on ne sait pas bien s’il a vraiment été marié, et le fils de sa possible femme n’était pas le sien. Une chose est certaine : Turner n’a jamais agi par vengeance d’un hypothétique viol de sa femme. Il était illuminé et se pensait prophète ; il croyait sincèrement recevoir des messages divins, et les décrit très longuement dans ses confessions comme étant à l’origine de ses actes, et sans jamais faire la moindre allusion à sa femme. Ce n’est pas rendre hommage à son histoire – d’activiste ou d’illuminé, sans doute des deux- que de la ramener à une simple histoire de « sérieux t’aurais pas dû, ayé j’chuis colère … ».
Parker « omet » par ailleurs un autre détail d’importance, le fait que dès le début de leur expédition punitive, Turner avait clairement donné l’instruction d’assassiner les hommes, mais aussi les femmes et les enfants. La première victime de Turner fut d’ailleurs Joseph Travis, sa femme et leurs enfants, Travis dont Parker dira plus tard toujours dans ses confessions « Travis était un maître gentil qui avait toute confiance en moi. Je n’ai jamais eu à me plaindre de ses traitements envers moi ». Ceux qui ont le cœur bien accroché pourront lire le rapport de police du massacre de l’école Waller par la bande Turner : au final, la moitié des victimes de Turner et sa bande auront été des enfants.
Bon, ayé, j’arrête de faire mon intéressant genre « moi je connais l’histoire ». Pour les autres omissions, libertés prises avec la vérité, mensonges, lire les « confessions de Nat Turner », on y découvrira que 1° J’invente rien, 2° Nat Turner de toute évidence ne faisait pas que lire la bible, il la fumait aussi, et de toute évidence, « …c’était de la bonne ».
Des détails ? Peut-être, mais de détail omis en mensonges avérés, Parker (Le fripon) nous emmène peu à peu d’un fait historique : « Turner était un illuminé sanguinaire qui n’avait pas toute sa raison» (même si vu ce qu’il a vécu, on peut le comprendre) à « Turner avait ses raisons » et enfin à « Turner avait raison ». A ce rythme là, moi, je peux vous faire un biopic sur Torquemada ou Gilles de Rais sur le mode « … Des mecs sympas qui ont peut-être un peu déconné… » Par les temps qui courent, je suis pas sûr que ce soit une bonne idée de donner des arguments aux intellectuels qui se trouvent des bonnes raisons de soulager leur prochain du fardeau de la vie.
On peut violer l’histoire, à condition de lui faire de beaux enfants … Là, çà voudrait être épique et très beau mais au final, la seule réflexion profonde qu’inspire ce film est qu’on peut aussi s’emmerder sévère devant une histoire dans laquelle tout n’est pas totalement faux.
Donc si un soir d’hiver de traquenard télévisuel on vous somme de choisir entre le DVD de « Birth of a nation » ou « Louis la brocante »… Eh ben à vous de voir, perso, j’ai rien contre les vieux meubles, et Victor Lanoux, lui, il joue pas si mal …